lundi 25 mars 2019

Voyage au pays du dragon : Saïgon et le delta du Mékong

Je suis déjà rentrée depuis quelques jours, mais je n'ai pas encore écrit la suite de ce journal et mon séjour à Saïgon. Tout est allé si vite, tout était tellement intense et je privilégie toujours de vivre le moment plutôt que de l'écrire. Le récit de ces quelques jours dans le sud du Vietnam sera donc peut-être un peu différent, un peu moins sur le vif mais les souvenirs n'en restent pas moins très forts. 

Je suis donc arrivée à Saïgon un mercredi soir, une soirée chaude et humide, de cette moiteur typique de ce que l'on appelait jadis la Cochinchine. J'ai rejoint la grande métropole du sud seule, Alice prolongeant son séjour à Hoi An jusqu'à vendredi. Dans le bus entre Hoi An et l'aéroport de Da Nang, j'ai fait la connaissance d'une autre Anglaise, encore une Londonienne, très sympa avec qui j'ai bavardé en attendant mon vol. Cela fait huit ans que j'ai commencé à voyager seule, et pourtant je suis toujours surprise par cette magie de la rencontre, ce lien qui se crée presque instantanément entre voyageurs. 

Le bus me dépose quelque part dans la ville, au milieu des gratte-ciels, entre les braseros de rue, les vendeurs ambulants et le trafic délirant des deux-roues. La ville, qui a officiellement pris le nom de Ho Chi Minh Ville en 1975, mais que tout le monde continue d'appeler Saïgon, a toujours cultivé son indépendance et sa spécificité, se détachant d'Hanoï, la capitale, plus sage et plus traditionnelle. Saïgon a toujours été l'enfant terrible du Vietnam, et elle est sans conteste aujourd'hui la capitale économique du pays. Ruche bourdonnante de plus de 8 millions d'habitants (8 officiellement, mais on peut compter facilement 11 millions...), elle garde de nombreuses traces de son passé colonial, lorsque les Français la surnommaient "la Perle de l'Extrême-Orient". 

Guidée par les locaux, j'atterris devant mon auberge, Aloha Saigon, en plein coeur du "quartier routard" dans une ruelle qui serait coupe-gorge si l'on n'était pas au Vietnam, et qui a pour voisinage les nombreux bars de nuit et autres établissements où les tenues affriolantes des jeunes femmes ne laissent guère de doutes sur la nature de leur activité... Le responsable de l'auberge tente de m'entourlouper en essayant de me faire payer le prix d'un lit double que je n'ai jamais demandé mais je lui montre ma confirmation de réservation et il abandonne rapidement. Je hisse mon gros sac à dos sur la paillasse qui me sert de lit, installe mon campement de romano, essaie d'essuyer la clim qui goutte sur mon lit, abandonne rapidement le combat et je décide finalement de sortir manger quelque chose et prendre la température des nuits saïgonnaises. 

Je tourne à gauche en sortant de la ruelle et dix mètres plus loin, je tombe dans LA rue du quartier routard, celle où les bars ont envahi ce qui servait jadis de trottoir, où les scooters et autres mobylettes tentent de se frayer un chemin dans la foule, entre les promeneurs et les vendeurs ambulants en tous genres (fruits, rouleaux de printemps, paquets de mouchoirs mais aussi cigarettes, marijuana et cocaïne, proposée sous le manteau et avec, comme toujours, le sourire). La rue me fait aussitôt penser au Times Square new-yorkais, en plus bordélique indéniablement. Des lumières de partout, tant et si bien qu'on y voit comme en plein jour, de la musique crachée par des hauts-parleurs à plein volume et une foule détendue et joviale. Je me restaure d'un bun cha dans un petit resto étonnamment calme et propre dans une des rues les plus animées, servie par une jeune femme souriante et je décide ensuite de sortir boire un verre et profiter de la frénésie nocturne de la ville. 

Je branche le "hang out" de Couchsurfing et rapidement, m'organise avec un autre voyageur pour se retrouver devant le Highlands Coffee (sorte de Starbucks vietnamien) et aller déambuler dans les rues animées du quartier. Chose dite, chose faite, je retrouve Frédéric, débarqué à Saïgon depuis déjà quelques temps, après 21 000 kilomètres parcourus à vélo depuis Lausanne. On s'installe en terrasse et il me raconte ses aventures "monstre" passionnantes, ponctuées par un accent et des expressions toutes helvétiques. On décide finalement d'aller visiter Cholon, le quartier chinois de Saïgon le lendemain aprèm et j'abandonne Fred devant mon auberge où il tente de s'extirper des griffes de mes voisines court vêtues. 

Réveillée pas trop tard le lendemain, je pars à la recherche d'un pho et d'un café. La rue a presque l'air d'avoir la gueule de bois, mais au détour d'un coupe-gorge, je tombe sur une gargote comme je les aime. Je commande un café et un pho au poulet et je demande à partager la table de Lily, une jeune Allemande de Munich sirotant son café et fumant sa cibiche matinale. On rigole bien toutes les deux, et par chance, on se recroisera plus tard dans la ville. Je pars ensuite explorer la ville, la cathédrale (censée ressembler à Notre-Dame-de-Paris, on comprend pas bien où ni comment mais soit), la poste dont la charpente est signée Gustave Eiffel, le marché de Ben Tanh, etc. Recroisant Lily alors que je prends une petite pause sur un banc dans un parc, on décide finalement de poursuivre notre chemin ensemble et on termine sur le balcon d'un café. Le café vietnamien est décidément merveilleux. Lily s'envole ensuite pour Hanoï et je sors Fred du lit (enfin je le réveille à 14h quoi...) pour nous commander deux Grab (taxi-motos) direction Cholon, le quartier chinois. 

Si, comme moi, vous avez dévoré le roman de Marguerite Duras, le nom de Cholon (à prononcer Tseuleunne) ne vous est pas inconnu. C'est le quartier dont est originaire l'Amant, un Chinois de Cholon dont le père a fait fortune. Aujourd'hui Cholon est un quartier comme vous en trouverez beaucoup au Vietnam, une succession de petites échoppes, de vendeurs en tous genres, d'un grand marché. Fred tente les rouleaux de printemps crus achetés à une dame avec une palanche en bambou, et on s'attable ensuite pour un plat de nouilles comme on les aime. Après un coup d'oeil à la pharmacopée traditionnelle chinoise (hippocampes séchés, étoiles de mer séchées et autres réjouissances) et un énième café (glacé pour Fred et chaud pour moi) sur une terrasse d'où l'on a une vue plongeante sur la marée de scooters, on rentre au centre de la ville (à trois sur une moto, mais on n'est plus à ça près).

Réveil tardif sur ma paillasse, il est déjà près de 11h quand je mets le nez dehors. Il fait une chaleur étouffante et le soleil est sorti de derrière les nuages. Un pho et un café (combo gagnant désormais), je retrouve Fred que j'embarque pour la visite des tunnels de Cu Chi, un immense réseau de galeries souterraines et d'étroits boyaux creusés à la main par les Vietcong pour se protéger et se défendre contre la machine de guerre américaine. Les Vietcong ont fait preuve d'une grande ingéniosité, et d'une détermination farouche, piégeant de bambous empoisonnés une partie des tunnels sur lesquels venaient s'empaler les chiens et les soldats envoyés par les Américains. On visite une version élargie des tunnels, déjà relativement étroite et Fred et moi sommes les seuls à tenir 100 mètres dans le boyau. Des sorties tous les 20 mètres ont été aménagées au cas où un touriste ferait une crise de claustrophobie. Le guide qui nous ouvre la voie nous demande tous les 20 mètres si on veut sortir mais on insiste en lui disant que tout va bien et qu'on peut largement faire les 100 mètres. Finalement, et tandis que le groupe s'éloigne, on demande si on peut rapidement retourner dans le premier tunnel, à la taille d'origine et on s'y engouffre. C'est très, très, TRÈS étroit et je vous prie de me croire, cinq minutes là-dedans vous suffiront largement, alors y passer toute une journée... J'avance sur les genoux dans les feuilles et la terre, une bestiole voltige devant moi mais il fait beaucoup trop sombre pour que j'identifie la chose. On avance à la lueur de mon portable. Les Vietnamiens ont eu l'idée, surprenante à mes yeux, d'installer un stand de tir à l'arme de guerre sur le site des tunnels. Comme s'il n'y avait pas eu assez d'armes utilisées à cet endroit... Toute notre visite et les explications du guide (qu'on a affectueusement surnommé Johnny parce qu'il prend un accent très, TRÈS américain lorsqu'il parle anglais) sont donc ponctuées par des tirs de Kalachnikov ou de je-ne-sais-quelle-arme de guerre. On adore... Finalement retour à Saïgon après être restés coincés un moment dans les embouteillages, banh mi et au lit.


Impossible pour moi de fermer l'oeil, le café de la veille me tient éveillée toute la nuit et vu que j'ai rendez-vous à 7h devant le marché pour partir dans le delta du Mékong pour la journée, vers 6h je me lève. Douche, et direction le marché pour trouver un petit quelque chose à me mettre sous la dent. J'achète un mini-régime de bananes, obtient un café à un petit stand à peine ouvert (mais à ma tête de déterrée, je pense que la dame a eu pitié). Le guide arrive avec Jason (qu'il appellera Jackson la majeure partie de la journée), et on passe ensuite récupérer David et Judith. Après deux petites heures de route, on arrive dans un bled dans le delta, on enfourche les vélos et c'est parti pour 25 kilomètres. Evidemment, je trouve le moyen de me prendre une gamelle et de m'étaler de tout mon long, mais heureusement, je ne me fais pas mal. Pause déjeuner, on traverse le Mékong à bord d'une sorte de bac avec les vélos. Un bac sur le Mékong... On fait ensuite un tour en bateau et on fait glisser les kayaks à l'eau. On pagaie dans les ramifications de ce fleuve énorme qui irrigue toute la région et assure la culture du riz, faisant du Vietnam le cinquième producteur mondial. Je reste longtemps à contempler le fleuve, le soleil qui se reflète sur l'eau et à savourer ma chance, ce privilège incroyable de pouvoir réaliser ce rêve, traverser le Mékong en bateau. Retour à Saïgon en car (je m'assoupis à l'arrière et dors pendant quasi toute la durée du trajet), petite douche avant de ressortir prendre un verre avec Alice sur un rooftop pour y admirer les buildings qui poussent à la vitesse d'un champignon. 


Un énième café et je quitte Saïgon à bord d'un taxi-moto, direction l'aéroport, à Hanoî je perds 20 degrés et retrouve Duong. Vols pour Hong Kong et pour Paris. J'arrive à Paname en état de choc thermique, passablement déphasée et déjà nostalgique. Ce voyage a été tellement intense, tellement stimulant, presque salvateur. Un immense merci à tous les Vietnamiens pour leur accueil chaleureux, leurs sourires, leur douceur. Merci à tous les voyageurs rencontrés pour avoir partagé leurs expériences. Merci à vous d'avoir lu ce blog. Cảm ơn! 

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