Vendredi 8 mars 2019
Réveil en fanfare sur les coups de 6h dans mon dortoir, je pense que tout le monde m’a maudite. Je plie bagage dans le dortoir et met le cap sur l’adresse indiquée sur ma réservation de bus. En chemin je me dégote un banh mi et un café au lait (concentré sucré) histoire de ne pas mourir de faim. J’attends ensuite devant l’adresse indiquée par Google Maps mais plus le temps passe et plus l’hypothèse que mon bus pour l’île de Cat Ba vienne un jour me chercher ici me paraît hautement improbable. Je tourne et vire dans tous les sens, demande à mille personnes, compare les adresses une fois, deux fois, vingt fois. Finalement je demande à un touriste en terrasse qui me confirme que je ne suis pas au bon endroit. Vue l’heure, il ne fait aucun doute que j’ai clairement raté mon bus. Je me rends donc à l’adresse indiquée par le touriste en me disant que je peux toujours acheter un billet pour le bus suivant. En arrivant là-bas et tandis que je tente d’expliquer la situation à un employé de la compagnie, celui-ci me dit simplement de monter dans le premier bus qui part pour Cat Ba. Tout simplement. A bord du bus, et tandis que je me demande toujours si je vais arriver à bon port, je fais la connaissance de quatre Françaises en voyage : Amandine, Sigrid, Laure et Laurène. Trois Marseillaises et une Lyonnaise en voyage au Vietnam depuis quelques jours et à qui il est déjà arrivé un nombre non-négligeable de galères. Avec mon écran bousillé moins de 24 heures après mon entrée sur le territoire, je me sens susceptible d’intégrer le groupe. Les filles sont super cools, on discute tout le long du voyage et c’est à regrets que je les quitte une fois arrivée à Cat Ba.
Sur les indications du chauffeur, je remonte la rue jusqu’à mon hôtel, Le Pont hôtel. Je fais mon check-in, et je découvre avec délectation que contrairement à ce que je croyais, je n’ai pas réservé un lit en dortoir cette fois-ci mais une chambre pour moi toute seule. Je vais donc pouvoir étaler tout mon bazar partout, vider mon sac à dos qui est sens dessus dessous et peut-être même bien dormir. J’en profite pour faire un brin de toilette (j’ai une jolie salle de bains avec tout le nécessaire) et comme il est plus de midi et que je suis un ogre affamé, je me mets en quête d’un petit resto. Cat Ba est devenue une destination très touristique et les restaurants en front de mer ne me semblent pas des plus authentiques. Je commence donc à errer dans les petites ruelles à la recherche d’un endroit davantage fréquenté par les locaux. Beaucoup de poisson et de fruits de mer à Cat Ba, et beaucoup de restaurants ont en devanture de grands aquariums dans lesquels crabes, homards et autres crustacés attendent de passer à la casserole. Au détour d’une petite rue, je tombe sur un petit resto qui affiche quasi complet, et dont la clientèle est un mélange de locaux et d’étrangers. Ça fera très bien l’affaire. Comme toutes les tables sont occupées, et qu’un monsieur est seul à l’une d’entre elles, je lui demande si je peux m’installer avec lui. Il accepte gentiment et on commence à discuter. C’est un touriste serbe d’environ 60 ans, à l’anglais approximatif mais bien sympathique. Il sourit en apprenant que je suis allée en Serbie l’été dernier et on trinque donc au fameux « Živeli! ». Il est en train de manger une petite salade et me demande si je connais le film « L’Odeur de la papaye verte ». Je ne l’ai jamais vu, mais j’ai lu que c’est un film réalisé par un Vietnamien né en France (on les appelle ici Viêt Kiêu, les Vietnamiens d’outre-mer). Caméra d’or à Cannes en 1993 et César de la meilleure première œuvre en 1994 pour Trần Anh Hùng. Je ferai en sorte de le voir en rentrant en France. Le monsieur m’explique qu’il a beaucoup aimé ce film et qu’il est donc en train de déguster une salade de papaye verte. J’en commande donc une aussi, ainsi qu’une assiette de nems. Je discute un peu avec mon voisin de table ainsi qu’avec deux Françaises installées derrière moi. Lorsque le monsieur serbe termine son repas, je m’installe avec les deux filles. Perrine et Pauline sont deux Françaises en voyage depuis quatre mois dans toute l’Asie du sud et du sud-est. Elles sont sur la fin de leur voyage et sont très sympas. On termine le repas ensemble et comme je n’ai pas grand chose de prévu cet après-midi ayant réservé le tour de l’île pour le lendemain, je décide de les accompagner. Pauline veut faire une pédicure et j’en profite pour me faire masser mes petits pieds endoloris par tant de marche. Les filles doivent ensuite reprendre le bus direction Hanoï, je leur fais donc mes adieux et je rentre me reposer un moment à mon hôtel. Le « petit repos à l’hôtel » s’est transformé en une sieste de trois heures. En émergeant vers 19h, passablement affamée, je me mets en route vers un restaurant. Je suis attablée en train de déguster une salade de fleurs de banane et un poulet aux noix de cajou quand un autre touriste voyageant seul s’installe à la table à côté de moi. Comme il est tout seul, je lui propose de dîner ensemble. Il accepte gentiment. C’est un Néerlandais, il s’appelle Samuël et il a pas mal voyagé. Il me montre de magnifiques photos qu’il a faites en Namibie, ajoutant ainsi la Namibie à la longue liste de pays que je veux découvrir. On monte ensuite sur le rooftop du restaurant pour boire un café et on se quitte en ayant tous les deux passés une excellente soirée. Mes trois heures de sieste ne m’empêchent pas de m’endormir comme une masse. Je pense que mon organisme est enfin en train de se remettre du décalage horaire et par conséquent toute la fatigue accumulée me tombe dessus d’un coup.
Je me lève le lendemain matin de bonne heure, bonne douche dans ma petite salle de bains rien que pour moi. Je m’habille pour la rando et repousse le plus possible le moment fatidique de mettre mes baskets... Encore dégueulasses et trempées depuis Sapa, elles n’ont pas séché et continuent à goutter un peu partout. Je descends prendre mon petit déjeuner, croise la famille de Français avec qui j’ai discuté la veille, leur explique que je m’apprête à partir en rando une éponge à chaque pied. Probablement prise de pitié, la maman me propose très gentiment de me prêter les chaussures d’un de ses fils. N’en revenant pas de ma chance, j’accepte avec joie et c’est donc avec des chaussures bien sèches que je prends la direction de l’arrêt de bus. J’y rencontre Rita, une Autrichienne de 36 ans avec qui je sympathise.
Le bus arrive, on grimpe à bord et il nous emmène direction l’entrée du parc national de Cat Ba. C’est en fait un morceau de jungle sur l’île. Nous sommes un groupe d’une douzaine, deux couples de Néerlandais, une famille d’Allemands (le père, la mère, le fils et sa copine, d’origine vietnamienne), deux copines argentines et Rita et moi. C’est parti pour 15 kilomètres dans la jungle. Bon, 15 kilomètres de rando, ça passe, mais 15 kilomètres dans la jungle, c’est rapidement l’enfer. On marche, on crapahute, on glisse, on enjambe, on s’accroche. Au bout d’un moment et alors que je commence à trouver le temps un peu long, le guide nous annonce qu’il nous reste 5 kilomètres sur les 10 que l’on doit faire avant la pause déjeuner. Donc non seulement c’est une très mauvaise nouvelle, mais en plus je crève la dalle. On se concentre, on continue à discuter avec Rita et les Néerlandais, on s’accroche et après un interminable passage qui consiste à purement et simplement grimper sur des rochers pointus et à ne pas se casser la gueule dans la boue (tout le monde y a eu droit), on arrive à la pause déjeuner dans un petit village. Je me laisse choir sur ma chaise et je n’ai pas encore eu le temps d’ouvrir ma canette de 7up (je n’aime pas vraiment les sodas mais là, j’étais pas loin de l’hypoglycémie donc c’était plus que bienvenue), qu’un petit chat saute sur mes genoux. On était 12 attablés au même endroit, mais c’est direct vers moi qu’il est venu. Il ne pouvait pas mieux choisir. Commence une séance de gratouilles et de câlins. La nourriture est servie, ce qui ne manque pas d’intéresser le petit cœur. Je lui donne de petits morceaux de viande tout en essayant moi aussi de me sustenter. Repu, le petit cœur s’endort rapidement sur mes genoux en ronronnant. Inutile de vous dire que j’aurais pu rester là à peu près jusqu’à la fin des temps, malheureusement il a fallu repartir. J’en suis à mon cinquième bol de riz avec sauce, chou et cacahuètes quand on redonne le signal du départ. C’est parti pour les 5 derniers kilomètres, qui sont tout plats et permettent enfin d’admirer le somptueux paysage qu’il y a autour de nous. Une végétation luxuriante, des camps avec des vaches marrons et des buffles, des dames coiffées du chapeau conique traditionnel qui s’affairent dans les champs. Ces images merveilleuses sont gravées à tout jamais dans ma mémoire, et aucune de mes photos ne pourra malheureusement rendre la beauté du paysage. C’est également là que je me suis rendu compte que je marchais vite, puisqu’avec un Allemand qui nous a rejoints et Rita, on est arrivés à l’embarcadère avec dix bonnes minutes d’avance sur les autres, sans même se presser et en s’arrêtant pour prendre des photos. Comme diraient certains « On l’appelle Grands Pas ».
Après ces 5 derniers kilomètres, on embarque à bord d’un bateau en bois pour la baie d’Ha Long, où plus précisément la baie de La Han, qui est la partie de la baie d’Ha Long qui borde l’île de Cat Ba. Ça sent la mer, l’iode et le vent souffle, il fait donc assez frisquet mais la vue est superbe. Bien que dissimulée par un léger brouillard, la baie n’en paraît que plus mystérieuse et sauvage. On longe les villages de pêcheurs, sortes de petites cabanes flottantes, où les habitants vivent dans des conditions très simples. Après une bonne demi-heure de traversée, on est de retour à Cat Ba (Ville). Rita meurt d’envie d’un café vietnamien (il est différent de celui que l’on prépare en Europe mais j’y reviendrai) et moi j’ai envie de faire une jolie razzia de fruits et de profiter d’être ici pour déguster tous ces fruits exotiques qui coûtent un bras à Paris et trois fois rien ici. J’achète à une dame une belle mangue bien mûre, un fruit du dragon et deux fruits de la passion. On s’installe, Rita, l’Allemand et moi dans un café, on commande et je demande de quoi découper les fruits. À Paris, on m’aurait clairement envoyée balader, ou dans le meilleur des cas on m’aurait tolérée comme s’il s’agissait d’une faveur exceptionnelle. Ici, on m’apporte aussitôt une assiette, un couteau et trois fourchettes et le serveur m’aide même à découper mon fruit du dragon puisqu’apparemment je m’y prends comme un manche. Rita et l’Allemand (on n’a même pas pensé à lui demander son prénom, la honte) découvrent le fruit du dragon qu’ils ne connaissaient pas et les fruits de la passion dont ils avaient entendu parler mais qu’ils n’avaient jamais goûtés. On se régale tous avec la mangue, qui est parfumée, sucrée et mûre à point. Une merveille. Notre acolyte nous offre gracieusement nos cafés et nous dit au revoir. Avec Rita, on décide de passer la soirée ensemble. Au programme : retourner d’abord chacune à notre hôtel pour prendre une bonne douche, nous changer parce qu’on est sales à faire peur, puis aller se faire masser, dîner et tester le karaoke. Chose dite, chose faite. Une bonne douche, une tenue propre (ça se raréfie dans mon sac à dos...), et direction le massage. On négocie un peu le prix (marchande de tapis...) et c’est parti pour une heure de massage. Je suis au bord de l’endormissement à la fin, et ça m’a fait un bien fou à mes cuisses pleines de courbatures depuis Sa Pa. Dîner ensuite dans le premier restaurant que j’avais testé (nems et pho au bœuf) puis direction le karaoke. Quand Rita a compris que c’était une salle privative et que personne ne nous entendrait chanter, elle a tout de suite été beaucoup plus enthousiaste. C’est donc dans un décor digne de la mafia chinoise et effrayant de mauvais goût que l’on commence à pousser la chansonnette. Très peu de chansons françaises et pas forcément les meilleures références à mes yeux, mais quelques tubes anglophones incontournables. On passe donc une bonne heure et demi à beugler dans nos micros, passant de « Hotel California » à « We are the champions » et autres grands classiques. Rita passe de toute évidence un très bon moment et elle me le confirmera en m’envoyant un petit message le soir ainsi que les vidéos mythiques de notre performance. On se sépare devant le karaoke et je rentre me coucher. Après cette longue et riche journée, je dors comme un bébé.
Dimanche 10 mars 2018
Je me suis réveillée sur l’île de Cat Ba, j’ai déjeuné de deux œufs au plat trop cuits (ils cuisent le jaune ici, comme dans beaucoup de pays où les œufs peuvent contenir des microbes, pour limiter le risque, on cuit les jaunes). Je finis ensuite mon sac, demande à Ha, la gentille réceptionniste de l’hôtel où je dois aller attendre mon bus, elle m’explique et me voilà en route. Deux minutes plus tard, je suis rattrapée par Ha, toute essoufflée, qui vient de descendre toute la rue en courant avec ses claquettes pour me dire qu’elle s’est trompée et que comme on est dimanche, le bus ne part pas du même endroit et elle s’est mise d’accord avec eux pour qu’ils viennent me chercher à l’hôtel. Elle me dit en rigolant qu’elle ne pensait pas que je marchais si vite (certains m’appellent Grands Pas...). On remonte donc tranquillement la rue toutes les deux. Je patiente devant l’hôtel en discutant avec Iara, une Argentine de Buenos Aires (dédicace à mon Leo qui est toujours mon Argentin préféré) et finalement, le bus arrive, le mec (beau gosse, soit dit en passant) me charge mon sac dans la soute et en route pour quatre bonnes heures de trajet avec ferry et changement de bus inclus. On me dépose dans le vieux centre de Hanoï où je dois retrouver Alice, ma Londonienne de Sa Pa avec qui je pars tout à l’heure à Da Nang. Je sirote un café assise sur une mini chaise sur le trottoir en attendant qu’elle arrive. J’engloutis un pho au poulet, on commande un taxi et en route pour l’aéroport. Le chauffeur de taxi a des ongles uuuuuuuuuuultra longs, ce qui au Vietnam est plutôt positif, ça signifie qu’il ne travaille pas la terre, qu’il n’est pas un paysan, mais ce qui à nos yeux d’Européennes est surprenant et pas très joli. Il nous dépose finalement à l’aéroport. Après un énième café au lait (concentré sucré, comme presque toujours ici), on embarque à bord de notre vol pour Da Nang. Une heure et demi de vol, pas de retard, nos bagages nous attendent à l’arrivée. On discute avec un petit couple d’Allemands et on partage notre taxi avec eux. On se pose à l’auberge, ils nous dégotent deux lits dans un dortoir, on largue nos sacs et on part se promener. Da Nang est la troisième plus grande ville du Vietnam, sa croissance est assez récente puisque pendant des siècles, la grande ville de la région a été Hoi An. Mais suite à l’ensablement de la rivière passant par Hoi An, c’est Da Nang qui en a profité pour devenir le pôle économique de la région. Cela lui a aussi valu d’être terriblement bombardée pendant la guerre, alors que Hoi An, difficilement accessible à cause de cette rivière ensablée, a été plutôt épargnée. La chute de Da Nang a été selon les témoignages de l’époque d’une violence terrible et d’une atrocité inédite... À ce propos, j’avais évoqué avec Siu lors de notre soirée ensemble à Hanoï, la guerre d’Indochine (appelée assez logiquement « guerre française » ici) et la perception qu’ont aujourd’hui les Vietnamiens de l’ancienne puissance coloniale et donc des Français. Siu a, en une phrase, résumé je crois le point de vue de ses compatriotes ou du moins le sentiment qu’ils me donnent en tant que Française ici. Elle m’a dit avec mansuétude « The past is the past » (Le passé c’est le passé). Les Vietnamiens ne donnent pas le sentiment de conserver à notre égard une rancune du passé, se concentrent sur le présent et regardent résolument vers l’avenir.
On a un peu galéré à trouver un endroit où dîner. Alice, après avoir été malade (un genre d’intoxication alimentaire), n’a pas très faim. Je prends un truc un peu au hasard ne reconnaissant pas grand chose sur la carte. Un peu de tout, de la viande, du tofu, des nouilles, c’est pas mauvais. Le serveur amène une sauce dont la simple odeur me soulève le cœur. Il nous explique que c’est de la sauce aux crevettes (ceci explique cela...) et que si on n’aime pas ça, il peut la changer pour une à base de légumes. Oh oui, changez-la s’il vous plaît ! Après ce dîner un peu en demi-teinte, on rentre à l’auberge se coucher.
Le lendemain, on galère un peu à trouver un endroit où prendre un petit dej, surtout qu’on ne cherche pas exactement la même chose. Alice, dont le système digestif est encore un peu fragile, aimerait assurer le coup avec un petit déjeuner à l’occidentale, tandis que mon désormais traditionnel pho me manque. On trouve le bon compromis sur un marché où Alice peut acheter des bananes et moi un bol de pho (le moins cher de ce séjour, moins d’un euro) à une petite dame au milieu des étals qui dégagent des odeurs plus ou moins alléchantes. Je profite d’être au marché pour acheter une grosse grappe de longanes, des petits fruits exotiques que j’avais déjà eu l’occasion de goûter grâce à une collègue mauricienne. Ça ressemble un peu à des litchis en plus petits et en plus ronds, avec une fine écorce marron et un petit noyau. Je mange ça en attendant le bus qui doit nous conduire à Hội An.
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