Dimanche 28 août 2016
Que
de choses à raconter depuis que je n’ai pas écrit. Vendredi, nous sommes donc
allés à Tsévié avec Emmanuel, déposer son dossier de demande de modification
d’acte de naissance auprès du tribunal. On est partis en moto, mais il faut
savoir que Tsévié est assez loin, la route étroite, le trafic intense. Pas
forcément très agréable mais ça allait encore. On arrive à Tsévié, que là
encore, Emmanuel connaît comme sa poche (bien que ce ne soit pas son bled
d’origine), on patiente devant le tribunal (un bon moment…) pour un truc qui a
duré en tout et pour tout une minute trente. On a ensuite profité d’être là
pour qu’Emmanuel aille saluer une de ses amies, sauf que ladite amie n’était
pas encore arrivée, on a vu sa maman, sa sœur, tous les enfants de la famille
et du quartier, tout ce petit monde commentait mes cheveux et mes cils en éwé
(Emmanuel me traduisait ce qui me concernait). On a été faire un tour au marché
de Tsévié, tout aussi bordélique que les autres. Ladite amie est finalement
arrivée 10 minutes avant qu’on parte mais on a quand même pu la saluer. Nous
reprenons la route, de nuit. Jésus Marie Joseph, j’ai cru mourir cinquante
fois. La route étroite, pas éclairée, de nuit, plein de voitures, de motos, de
camions, tout ce petit monde roulant à vive allure et se doublant à
qui-mieux-mieux. J’ai dû probablement broyer l’estomac d’Emmanuel, qui
continuait de rire de mes gémissements apeurés. On arrive finalement sur la
quatre voies qui marque le début de Lomé. Et là, c’est le pompon, tout le monde
accélère, des gens traversent la route de nuit à pied et sans lumière, tout le
monde se double dans un concert de klaxons. C’est un miracle qu’on soit encore
en vie et qu’on n’ait tué personne. Je n’avais de toutes façons pas vraiment
d’autre choix que de faire confiance à Emmanuel les yeux fermés (c’est le cas
de le dire parce qu’en plus je me prenais plein de poussière et de sable dans
la figure). Je ne vous parle même pas de ce qu’on a respiré pendant une grosse
demi-heure mais si j’avais fumé deux paquets de cigarettes, c’était pas plus
nocif je pense. Mon Dieu, c’est pas permis de polluer comme ça… Bref, on arrive
finalement sains et saufs au restaurant pour rejoindre les autres. Au menu de
ce soir : fufu mais avec malheureusement une sauce beaucoup trop épicée
pour moi et je ne me régale pas autant que la dernière fois. Je dis au revoir à
Tiffanie puisqu’elle part cette nuit.
Samedi,
j’ai profité de ma journée pour faire mes bagages, profiter une dernière fois
de la plage. Madame Brigitte m’a invitée ainsi que Martin et Salomé (et Aleysha
mais elle n’a pas daigné venir). Petit repas chez elle à base de brochettes et
de koliko (frites d’igname) avec une sauce à base de poivrons et de piments
mais c’était vachement bon. Ils m’ont offert un collier et des boucles
d’oreilles, ainsi qu’un certificat de travail au sein de l’ONG. J’en ai aussi
profité pour aller donner sa peluche à la petite Elisabeth. Au moment de dire
au revoir (ou plutôt adieu…) à cette petite gosse, je me suis mise à pleurer. Le
soir j’ai dîné avec Emmanuel dans un resto, plat de spaghettis officiellement à
la bolognaise mais je dirais plutôt à l’arrabbiata version togolaise,
c’est-à-dire que ça arrachait de fou et je me demande comment je n’ai pas
craché du feu. Au moment où Emmanuel me ramène chez moi pour que je termine ma
valise, on se fait arrêter par la police. Il faut savoir qu’il y a deux jours il
y a eu des vols de motos et trois meurtres dans ce quartier, du coup la police
a mis en place des sortes de barrages de nuit pour vérifier que les motos
appartiennent bien à ceux qui les conduisent. On s’arrête, Emmanuel montre les
papiers de la moto, ça ne semble pas suffire au policier qui commence à dire à
Emmanuel de descendre de la moto. Emmanuel lui explique qu’il doit m’emmener à
l’aéroport pour prendre mon avion (en fait il doit d’abord me déposer chez moi
et je pars à l’aéroport en voiture mais ça revient au même), le flic lui répond
qu’ils vont trouver quelqu’un pour m’accompagner. Il n’en est évidemment pas
question, primo je ne fais confiance qu’à Emmanuel pour conduire la moto,
secondo, je ne pars pas avec n’importe qui en pleine nuit sur une moto, tertio
la police ne m’inspire pas particulièrement confiance. Bref, on refuse. Comme
c’est bien évidemment de l’argent que le flic veut pour nous foutre la paix,
Emmanuel lui sort 500 francs, ça n’a pas l’air d’être suffisant, du coup je
fais semblant de me mettre à pleurer. Je dois être plutôt bonne actrice puisque
même Emmanuel y croit. Bref, le flic empoche les 500 francs, abandonne le
reste, tenterait presque de me « consoler ». Cent mètres plus loin,
je demande à Emmanuel si j’ai bien fait de faire semblant de pleurer. Il rigole
et me dit « Ah oui c’était très bien ». Bref, on arrive chez moi, je
boucle ma valise. A 2h du matin, Delphine débarque en voiture avec Koffi et un
autre gars que je ne connais pas. On s’entasse tous dans la bagnole. On démarre
sur les chapeaux de roues, les feux rouges semblent être purement décoratifs
pour Koffi, on arrive à l’aéroport. Delphine me dit au revoir, repart avec
Koffi. Emmanuel reste avec moi jusqu’à ce que je doive passer le contrôle aux
frontières. Je lui dis au revoir, passe le contrôle, m’installe en salle
d’embarquement. A l’heure où l’on devrait commencer à embarquer, toujours pas
d’avion en vue. Ca promet. A l’heure où l’on est censé décoller, toujours pas
d’avion et ils annoncent du retard. Dix minutes après, on nous annonce que le
vol est « reporté ». A quand ? A la Saint-Glinglin visiblement,
puisque le personnel de l’aéroport commence à répartir les gens selon qu’ils
peuvent rentrer chez eux ou doivent aller à l’hôtel. Je rappelle le pauvre
Emmanuel (qui rentre chez lui à pied et je vous explique même pas comment c’est
loin…). Il appelle Kwame (le président de Projects Abroad au Togo). Je
sympathise avec une jeune fille dans la même galère que moi. Je récupère
finalement ma valise, ressort de l’aéroport. Kwame vient me chercher, me
redépose au bureau. Delphine me raccompagne finalement chez moi. A l’heure
qu’il est, je n’ai toujours aucune nouvelle de Royal Air Maroc, ni de mon
« vol », ni la moindre idée de quand je rentrerai chez moi. Je n’ai
plus de crédit sur mon téléphone togolais, plus d’argent, mais sinon tout va
bien.
(…)
J’ai passé une bonne partie de mon après-midi au téléphone avec le bureau de
Projects Abroad qui s’occupe des problèmes de vols, situé en Afrique du Sud, je
n’imagine même pas la note que je vais me taper en rentrant. La nana me dit
qu’elle me place sur le vol de mardi matin. A ce jour, j’attends toujours son
mail de confirmation (on est lundi soir). Après ça, j’appelle Delphine pour la
prévenir que je pars normalement mardi. Je lui dis de demander à Emmanuel de
venir me chercher. Emmanuel arrive, on part chercher de l’argent et du crédit. Alors
que je viens de retirer de l’argent, je reçois un message de Emilie, une jeune
fille avec qui j’ai sympathisé à l’aéroport, qui m’informe que notre vol est
programmé pour le lendemain à 8h. J’appelle le chef d’escale pour avoir
confirmation « Oui, demain 8h Inch’Allah ». Je retéléphone à
Delphine, qui m’annonce qu’elle sera chez moi à 5h30. Je finis par m’endormir
comme une masse. Réveil à 4h30, je boucle ma valise pour la seconde fois,
Delphine, Emmanuel et Koffi arrivent, direction l’aéroport. Je retrouve tous
mes compagnons de galère d’hier. Je tiens à remercier Emilie de m’avoir
prévenue, car si j’avais attendu que Royal Air Maroc me prévienne, je crois que
je serais toujours à Lomé. Delphine et Koffi repartent, Emmanuel attend avec
moi, probablement inquiet que le scénario d’hier se répète. Je finis par embarquer
à bord de l’avion (minable pour un vol de plus de quatre heures). Je sympathise
avec Olivier, le jeune homme assis à côté de moi. On m’a programmée pour faire
Casablanca-Paris sur un vol qui décolle de Casablanca à 10h45, alors qu’il est
absolument impossible que j’y sois. On arrive finalement à Casablanca. Dans le
bus qui nous emmène au terminal, on sympathise avec Floriane et Sarah, deux
autres passagères en galère. On arrive au bureau de transit de Royal Air Maroc,
le même bureau où j’avais bataillé pour obtenir ma place à bord du vol
Casa-Lomé. Et là commence un sketch d’une heure et demi dont je me serais bien
volontiers passée. Environ 150 personnes surexcitées, brandissant cartes
d’embarquement et passeports. Tout le monde a bien évidemment raté les
correspondances ridicules qu’on nous avait données à Lomé. Bref, tout le monde
est bien à cran. Un vol supplémentaire a été annulé, ce qui ne fait que
rajouter au bordel général. On piétine une heure et demi devant une espèce de
gourde, totalement empotée, qui ne connaît visiblement rien à son taf, obligée
de demander sans cesse au seul mec qui semble connaître quelque chose au schmilblick.
Floriane finit par obtenir une place sur le vol de 18h30, je baratine la nana
en lui disant que Sarah, Olivier et moi sommes tous les trois ensemble. Elle
finit par nous dégoter trois places supplémentaires. Autour de nous, tout le
monde vocifère, menace, s’emporte. Un merdier indescriptible. Il fait une
chaleur à crever, je dois faire appel à une patience que je ne soupçonnais pas
pour ne pas arracher la tignasse de la gourdasse qui doit me sortir ma putain
de carte d’embarquement. Très honnêtement, et je suis navrée d’avoir à dire ça,
mais Royal Air Maroc est à ce jour la pire compagnie avec laquelle il m’ait été
donné de voyager. Je n’ai jamais vu autant d’incompétence, de nonchalance et d’amateurisme
combiné. Je précise également que les avions sur lesquels nous voyageons sont
sales, personne ne se donne la peine de ramasser les papiers laissés par les
voyageurs précédents. Je suis actuellement dans mon avion pour Paris, j’attends
qu’il décolle et s’il ne s’écrase pas quelque part, je m’estimerai heureuse.
Pour mes bagages, je prie. Inch’Allah comme on dit ici !
(…)
J’ai finalement atterri hier soir à 22h30 à l’aéroport d’Orly. Un monde
épouvantable aux tapis roulants pour récupérer les bagages. Ma valise était au
rendez-vous, Royal Air Maroc a finalement dû s’apercevoir que ça allait leur
coûter trop cher s’ils devaient me dédommager pour tout. Nico est venu avec la
voiture, on embarque Olivier que l’on déposera à une station de métro et enfin,
retour à la maison !
Le
retour m’a fait un sentiment étrange. L’impression de retrouver un endroit à la
fois familier et nouveau. Quelques jours seront sans doute nécessaire pour que
je récupère ma vitesse de marche parisienne, mon débit de parole
franco-français et le réflexe de boire l’eau du robinet. Un grand merci à tous
ceux qui ont suivi ces aventures d’une Yovo au Togo (même si souvent en différé
à cause des problèmes de connexion). Je vous retrouve très bientôt pour de
nouvelles aventures !
Comme à chaque fois, je me suis régalé de tes aventures, j'ai aussi appris beaucoup de choses, bref un régal vivement le prochain. Bisous
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