jeudi 18 août 2016

Yovo in Togo (#2)

Mercredi 3 août 2016

Bonjour, bonjour. Première nuit réussie peut-on dire. Hier soir, complètement épuisée par le voyage et par ma première journée, plus un petit décalage horaire de deux heures en moins par rapport à Paris, je me suis endormie à 20h30 comme un gros bébé. L’oreiller étant atrocement raide, je l’ai tout simplement poussé et j’ai dormi la tête sur le matelas. Le tout sous ma moustiquaire aspergée de répulsif anti-moustiques, dans mon pyjama imprégné de répulsif à moustiques, étant moins même enduite de répulsif à moustiques. Plus les moustiquaires aux fenêtres et les divers « pschitt » que j’ai pu mettre un peu partout dans la chambre. Moi paranoïaque ? Un peu sans doute, mais faut pas déconner, le palu ça me tente moyen. Gros dodo disais-je donc, j’ai juste été réveillée à 4h30 par tous les coqs du quartier pour qui il était visiblement l’heure de se réveiller, puis une nuée de piafs en tous genres a pris le relais sur les coups de 5h du mat’ et de toutes façons le soleil se levait donc j’ai renoncé à me rendormir. Oui, il faut bien savoir que ici le soleil se lève et se couche très tôt. Genre à 4h30 il fait déjà très très clair par contre à 17h30, la nuit commence vraiment à tomber. Je me suis donc levée et je suis allée prendre ma douche. Tout du moins me laver. Pour l’instant ça va, par contre quand je vais devoir me laver les cheveux, on va rigoler. Pour l’instant, je ne me sens pas encore trop crade, mais mes vêtements sont encore propres et sentent bon la lessive (plus un peu de répulsif à moustiques…). On en reparle dans trois semaines. Et je ne vous parle pas de la couleur de l’eau (enfin si, parlons-en, elle est un peu jaunâtre et un peu trouble, mais ça pourrait clairement être pire).

(…) Dans la maison, il y a un jeune garçon qui vit avec nous. Il s’appelle Prudence, il a 16 ans et il aide Loulou pour les tâches ménagères, etc. Et ça me gêne toujours un peu quand il m’apporte mon thé, quand il débarrasse la table, etc. Du coup ce matin, comme il était dehors quand j’ai fini mon petit déjeuner, j’ai fait ma vaisselle moi-même. Après je me suis installée sur la terrasse pour lire le petit livret qui nous est fourni par Projects Abroad et j’en ai profité pour discuter un peu avec lui. On a entre autres parlé foot. Ensuite une dame est arrivée, je l’ai saluée. Elle s’appelle Stella et elle est couturière. On a commencé à discuter, et dix minutes plus tard on se montrait les photos de nos familles respectives et elle m’avait déjà invitée à aller visiter son village d’origine près de Togoville. C’est donc comme ça que Delphine m’a trouvée en arrivant. Papi, un des chauffeurs de taxi-moto qui travaillent pour Projects Abroad nous accompagnait. J’ai pu noter qu’il était d’une grande galanterie envers Delphine et envers moi. Par exemple, il portait le sac de Delphine, nous tenait la porte lorsque nous sortions, etc. Après quelques minutes de marche, nous arrivons au RELUTET, une des associations avec lesquelles Projects Abroad travaille. Malheureusement la directrice était partie le matin même en voyage, et du coup on ne pouvait pas m’insérer dans l’association. Du coup, Delphine m’a emmenée à ASFEEN, une autre association qui fait en fait exactement la même chose que le RELUTET, à savoir lutter pour les droits des femmes et des enfants, et tout particulièrement lutter contre la traite des enfants par le biais de la scolarisation. Delphine me présente Madame Brigitte, la directrice de l’association, ainsi que ses collaborateurs, Martin et Salomé. Elle m’explique un peu les principales actions de l’association, me montre des photos des interventions qu’ils font dans les écoles, etc. Ensuite, on part en voiture, avec madame Brigitte, Salomé, et Aleysha, la volontaire écossaise qui vit avec moi et fait aussi le projet « Droits de l’homme ». En allant chercher la voiture, on croise la fille de Salomé, une adorable petite gamine de 2 ans. Et je fais un coucou à sa copine qui l’attend sur le pas de la porte, je lui envoie un bisou avec ma main et la petite me le renvoie. Ca peut paraître idiot mais j’en avais les larmes aux yeux. Bref, on part en voiture rendre une « visite de courtoisie » au chef de la brigade des mineurs du coin. Sauf qu’il va nous falloir une autorisation du service pénitentiaire pour aller visiter pour de bon. Soit, les démarches seront lancées. Ensuite on rentre au bureau et j’en profite pour lire un peu des documents sur la traite des enfants dans cette région du monde (l’Afrique de l’ouest pour ceux qui seraient vraiment fâchés avec la géographie).  
Je discute un peu avec Aleysha et finit par germer dans notre esprit l’idée de promouvoir auprès de la population, et plus particulièrement des femmes, l’importance de déclarer son enfant aux registres d’état-civil. En effet, ce qui semble être une formalité incontournable en France n’est pas automatique ici, et malheureusement beaucoup d’enfants ne sont pas déclarés. Sauf que ne pas déclarer son enfant signifie le priver de personnalité juridique et donc d’avenir globalement. Car sans personnalité juridique, on ne peut pas dépasser l’école primaire, on ne peut pas ouvrir de compte en banque, on ne peut pas se marier, ni avoir de nationalité, etc. Bref, une catastrophe. Notre objectif est donc d’aller dans les hôpitaux, maternités, écoles de sages-femmes, rencontrer le personnel hospitalier, leur expliquer l’importance et la démarche de déclaration de naissance, afin qu’eux-mêmes transmettent l’information aux futures et jeunes mamans. Le tout, armés de notre petite affichette soigneusement rédigée. On ira aussi au marché, et auprès des groupements de femmes du quartier pour essayer de les sensibiliser aussi. Voilà un peu le programme pour le moment. Après avoir peaufiné ça, on en a fait part à Martin et Salomé, dont le visage s’est fendu d’un large sourire et leur enthousiasme faisait plaisir à voir. Même son de cloche auprès de Madame Brigitte qui a semblé en total accord avec notre projet. On est ensuite rentrées déjeuner à la maison. Loulou nous avait préparé une délicieuse omelette aux tomates et au piment avec du riz, j’ai mangé comme quatre. Repue, j’ai accompagné Aleysha qui voulait aller acheter un truc dans une épicerie, on a fait un petit tour à pied. Les enfants sont trop mignons, ils nous observent, nous regardent avec de grands yeux curieux, nous font des sourires et des signes de la main. Et ils chantent la chanson du « Yovo ». « Yovo » au Togo ça veut dire « le Blanc » (ou la Blanche en l’occurrence, et en ce qui me concerne, le surnom n’est pas volé…). Là, je suis en train de rédiger ce journal sur la terrasse et on va bientôt retourner travailler.

(…) Nous sommes donc retournées travailler de 15h à 17h, on a peaufiné les questions que l’on veut poser au centre d’état-civil demain, ainsi qu’aux enfants vendredi. On a rediscuté du projet avec madame Brigitte, elle aussi très enthousiaste. On est allées demander à la pharmacie du quartier si on pourrait y mettre notre affiche, là encore, oui c’est possible. Ce qui me semble pour le moment très encourageant, c’est que les gens ont l’air toujours motivés, enthousiastes à l’idée d’essayer d’améliorer les choses, même s’il faut bien garder à l’esprit que le problème crucial reste les moyens financiers. On a discuté avec Martin et Salomé et on a appris avec horreur que non seulement, les mères devaient payer pour enregistrer leur enfant au registre d’état-civil (en théorie, c’est gratuit mais dans les faits il faut payer). Puis, il faut payer pour avoir la nationalité togolaise, et enfin payer pour obtenir une carte d’identité. Ce qui m’a le plus sciée était qu’il faille payer pour avoir une nationalité. Je demande donc à Martin « Mais les gens qui n’ont pas les moyens de payer, ils n’ont pas de nationalité ? », « Non ». Je précise que dans les textes de lois togolais, il est inscrit que tout enfant « a droit à une nationalité ». Et je précise également que les plus hauts textes internationaux (conventions de Genève, etc.) interdisent aux Etats de rendre les gens apatrides, c’est à dire sans nationalité. Martin me répond « C’est le problème de l’Afrique, ici tu n’as un droit que si tu as le moyen de le payer ». J’avoue qu’Aleysha et moi, on est restées sans voix. Juridiquement, pour moi, c’est catastrophique, ça bafoue les droits les plus élémentaires, mais Martin a raison, c’est la réalité togolaise, et plus largement africaine.
Après cette conversation édifiante, la fille de Salomé (Benny) et son amie (la petite qui m’envoyait des bisous le matin), sont entrées dans le bureau. Benny se juche sur les genoux de sa maman, et la petite Elisabeth ne tarde pas à faire pareil sur les miens. Elle y passe une bonne partie de l’après-midi, à jouer avec mes doigts. Cette gamine est à croquer tellement elle est mignonne.
On est ensuite rentrées, Toby et Nicole (une volontaire qui habite dans une autre maison) étaient là, on a discuté un bon moment, je suis tombée amoureuse de la robe que Nicole s’est fait faire ici dans un tissu africain, il n’est pas exclu que je m’en fasse faire une aussi. Loulou avait préparé du poisson ce soir, j’avoue que j’ai tenté, mais c’était du poisson séché et fumé, le truc absolument épouvantable pour moi, donc à la première bouchée et après être tombée sur une arête et un restant d’écaille, j’ai déclaré forfait, et me suis rabattue sur les œufs qu’Aleysha ne voulait pas, sur les ignames que je mangeais pour la première fois et la sauce à base de tomates et de piment. Contre toute attente, le piment passe pas trop mal ici. Les autres sortaient prendre un verre car demain une des volontaires s’en va mais je ne vois pas exactement qui, j’étais claquée et le taxi-moto de nuit ne me disait pas plus que ça, du coup je suis allée me coucher.

Jeudi 4 août 2016

Ce matin, réveillée à 5h30 par un raffut de tous les diables dehors. J’ai pas compris ce que c’était, mais ensuite les coqs et la volière ont pris le relais. Ce soir, je mets les boules Quies. Toilette, fringues plutôt classes car aujourd’hui nous allons au tribunal et normalement interviewer quelqu’un responsable de l’état-civil pour obtenir des informations sur l’enregistrement de naissance. Petit déjeuner toujours à base de pain et de confiture, thé et jus d’oranges pressées. Je pars au bureau avec Aleysha. Quand je passe devant la maison de la petite fille d’hier, elle se jette aussitôt dans mes bras et vient au bureau avec nous. A 8h30, on prend la voiture direction l’hôtel de ville. On arrive en plein mariage, un grand groupe de personnes vêtues de costumes traditionnels aux couleurs vives. On se faufile pour arriver au secrétariat. J’explique notre démarche, on nous envoie au bureau d’à côté. Je réexplique notre démarche. Là on nous dit qu’il faut aller directement à l’état-civil. On s’y rend toujours en voiture (l’association a une voiture avec un chauffeur à disposition, qui est en fait je crois la voiture et le chauffeur de la directrice mais qu’elle nous a laissés pour la matinée). On arrive donc à l’état-civil, on nous fait rentrer dans le bureau du responsable. Au début, j’ai eu peur qu’il nous envoie balader direct. Il semblait regarder dans le vide les yeux mi-clos et je n’arrivais pas à savoir s’il réfléchissait, s’il se foutait royalement de ce que je lui avais expliqué ou s’il avait envie de nous tordre le cou parce qu’on avait posé la mauvaise question. Il semblerait qu’il réfléchissait puisqu’il a fini par répondre à toutes nos questions avec précision et exhaustivité. On a pu obtenir toutes les informations que nous souhaitions. Il semble que des campagnes de sensibilisation aient déjà été effectuées mais de toute évidence, une petite piqûre de rappel ne serait pas inutile. Il a eu l’air d’approuver notre idée de sensibiliser le personnel médical, les sages-femmes, etc. Au cours de la conversation, je constate avec surprise que Salomé a d’ores et déjà retenu le slogan que j’ai proposé hier, preuve sans doute qu’il est susceptible d’interpeller les gens et de rester dans les esprits. Après quasi une heure, nous ressortons du bureau avec toutes les informations nécessaires. D’après ce que ce monsieur nous a expliqué, l’enregistrement de naissance est gratuit auprès des communes, malheureusement quelques fonctionnaires « indélicats » (je dirais malhonnêtes) profitent de l’ignorance des gens pour leur soutirer de l’argent. On se dirige ensuite vers le tribunal, malheureusement il n’y a pas d’audience aujourd’hui. On retentera la semaine prochaine. On rentre donc au bureau en voiture. On a décidé de faire désormais des journées « continues », sans pause pour se dégager les après-midi et pouvoir en profiter pour visiter des trucs. Sauf que à l’heure qu’il est je regrette amèrement ma décision, car je meurs littéralement de faim, Salomé aussi, et je pourrais m’envoyer une igname entière (et pourtant, Dieu sait si c’est bourratif).

Ah oui, j’ai aussi testé pour la première fois (et peut-être la dernière), les « toilettes » du bureau. Alors, ça ne mérite pas réellement le nom de toilettes. Il faut sortir, descendre quelques marches, entrer dans un petit couloir et là tu finis par tomber sur une cuvette de toilette d’un autre âge, affreusement sale, sans chasse d’eau, sans papier, sans lavabo et le pire de tout peut-être, sans porte. Mais ma vessie ne permettait aucun délai et après ce que j’ai déjà vécu à Shanghai, je ne suis plus à ça près.

Sur les coups de midi, Aleysha et moi étions totalement affamées, du coup on a demandé à Martin si on pouvait aller acheter quelque chose à manger, des fruits par exemple. Il a tenu à nous accompagner. On avait envie de bananes (même si malheureusement, ce n’est pas vraiment la saison), hélas la première vendeuse de fruits n’avait pas de bananes. On continue à marcher et on passe devant une dame qui coupe les noix de coco à la machette et les vend. Martin nous demande si on veut goûter. Aleysha n’aime pas ça mais moi je n’ai jamais vraiment goûté. Selon Martin, l’eau de coco est très riche nutritivement parlant et ils en boivent pour se protéger du paludisme. Soit, de toutes façons ça ne peut pas faire de mal. Martin m’offre généreusement la noix de coco, et en profite pour demander à la dame si je peux la prendre en photo pendant qu’elle découpe les noix de coco. Elle accepte de bonne grâce. Je bois l’eau de la coco, délicieuse, et Martin me montre comment récupérer la chair molle à l’aide d’une cuillère taillée dans les morceaux coupés de la coco. Il a l’air très heureux de me faire goûter ça, et s’ensuit une conversation sur la nourriture togolaise. Malheureusement, je n’ai pas encore eu l’occasion de goûter le « fufu » ni la « pâte », par contre bananes plantain et ignames, pas de souci pour moi. On poursuit notre chemin jusqu’à trouver une jeune fille qui vend des bananes. Martin négocie un peu pour nous, et on déguste nos bananes sur le chemin du retour (j’en garde une demain pour le petit déjeuner).

Au retour, Martin propose de nous diffuser un film qui a été réalisé par un groupement d’associations pour dénoncer les mariages forcés. J’apprends avec horreur que les mariages forcés ne sont pas seulement un arrangement entre familles dans lequel la jeune fille n’aurait pas son mot à dire. Cela prend purement et simplement la forme d’un enlèvement, la famille de la jeune fille étant parfaitement consentante, et la jeune fille est parfois séquestrée pendant plusieurs semaines jusqu’à ce que l’on soit convaincu qu’elle ne va pas s’échapper.  J’aurai d’autres questions à poser à Martin demain sur ce sujet.

On rentre à la maison, on déguste un délicieux plat de lentilles aux légumes concocté par Loulou et on prend ensuite la direction du marché de Totsi. C’est à un quart d’heure à pied environ. Marcher à pied dans Lomé quand on est blanc, ça veut dire devoir décliner toutes les trois minutes environ les propositions des chauffeurs de taxi-moto. Mais ils ne sont pas plus insistants que ça. On arrive au marché, Aleysha cherche un tissu pour se faire faire des vêtements, j’ai aussi dans l’idée d’investir mais je commence par regarder. On fait environ une demi-douzaine de stands. Arrivées dans l’un d’entre eux, et alors que l’on discute avec la vendeuse, plusieurs femmes discutent et rigolent au stand d’en face. Je comprends qu’elles parlent de nous, car elles disent sans cesse « Yovo » (le Blanc). Je m’en amuse et dit à Aleysha que l’on parle de nous. Les jeunes femmes comprennent alors que je connais « Yovo » et ça a l’air de les faire beaucoup rire. Souvent quand on marche dans la rue, les enfants chantent une chanson dont je n’ai pas encore réussi à identifier toutes les paroles. C’est un truc du style « Yovo, yovo, bonsoir, bonsoir ».

On rentre à pied, on est complètement claquées, il faut dire qu’il fait assez chaud aujourd’hui et je crois qu’on ne va rien faire de particulier ce soir à part dîner et discuter.

4 commentaires:

  1. Ton périple donne vraiment envie Laurianne! Moi qui avait envie de faire partie d'une aventure humanitaire, je suis encore plus motivée ! J'espère que ton projet pourra se concrétiser d'une manière ou d'une autre, je crois en toi ! ;) Merci en tout cas de faire partager tout cela avec nous !

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    1. C'est Clémence la pragoise ! :)

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    2. Merci ma belle pour ton commentaire ! J'espère que tout va bien pour toi ! Si tu as envie de partir en mission humanitaire, je te conseille vraiment de te lancer ! C'est une expérience unique ! Gros bisous :)

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