Lundi 1er août 2016
Il
est grand temps de commencer ce nouveau journal. Je suis actuellement dans
l’avion entre Casablanca et Lomé, et le moins que l’on puisse dire, c’est que
j’ai déjà pas mal de choses à raconter. Il était donc prévu que je parte de
Paris ce soir à 21h30, direction Casablanca, escale d’une heure et ensuite,
deuxième avion pour Lomé, arrivée prévue à 5h30 heure locale. Jusque là, rien
d’extraordinaire.
C’était
tout d’abord sans compter sur le plan Vigipirate, la grève d’Air France et le
chassé-croisé du mois d’août qui se sont alliés pour transformer l’aéroport
d’Orly en giga-salle d’attente, aire de jeux pour bambins et joyeux bazar haut
en couleurs. Après avoir donc patienté trois bonnes heures dans l’aéroport,
nous montons finalement à bord de l’avion. On a déjà une bonne heure de retard,
heure de retard qui sera finalement doublée puisque la porte de la soute ne se
ferme pas, et qu’on ne peut pas partir comme ça. Déjà, ça commençait pas
terrible. A Paris, lors de l’enregistrement de mon bagage, on ne m’avait sorti
que ma carte d’embarquement Paris-Casablanca, et pas ma seconde carte
Casa-Lomé. Sur le coup, ça ne m’a pas plus affolée que ça. J’aurais dû. Bref,
on décolle donc de Paris avec deux bonnes heures de retard, je me rends
rapidement compte que ma voisine est une grosse relou, mon écran marche une
fois sur deux et me coupe les films en plein milieu sans la moindre raison. Du
coup, je m’acharne dessus et finis par me faire engueuler par le mec de devant.
Ambiance. Rajoutez à ça que je meurs de faim. Le vol dure deux bonnes heures et
demi, donc a priori il y a de fortes chances que je rate ma correspondance,
mais comme les deux vols sont effectués par Royal Air Maroc, j’ai quand même
bon espoir qu’ils nous attendent. De surcroît, beaucoup de passagers de mon vol
ont eux aussi la correspondance pour Lomé, donc ça devrait le faire. Par
contre, en discutant un peu avec les gens autour de moi (quand on trouve le
temps long, c’est encore la meilleure chose à faire), je me rends compte que la
plupart ont déjà leur seconde carte d’embarquement. Bizarrement, ça ne
m’inquiète pas plus que ça. Ma voisine, après avoir parlé toute seule une
demi-heure, m’avoir foutu son journal dans la figure, m’avoir attrapé la cuisse
en se plaignant d’un craquement de dos, hurlé « du pain » une
demi-douzaine de fois au stewart et renversé sa tasse de thé sur ses genoux,
n’a rien trouvé de mieux à faire que de me désigner « porte-boîte de
Kleenex ». Passe encore. Par contre, quand elle m’a demandé de lui remplir
sa carte d’immigration (alors que moi-même je ne devais pas en remplir, n’étant
au Maroc que pour un transit), j’ai prétendu ne pas avoir mes lunettes et ne
rien voir (l’excuse de grand-mère, mais ce n’était qu’un demi-mensonge, il
était 02h00 du mat’ heure de Paname et j’avais les yeux très fatigués). J’veux
bien être gentille, mais faut pas pousser. Fort heureusement, elle s’arrêtait à
Casablanca. En descendant de l’avion, je trace, le personnel nous attend
« Où allez-vous ? _ Lomé, mais je n’ai pas ma carte
d’embarquement. _ Allez au guichet alors. ». Arrivée au guichet, et
après avoir attendu que le mec termine avec le premier monsieur, puis un
deuxième qui a priori partait deux jours plus tard, je commence à piaffer
d’impatience. Son collègue arrive, lui gueule dessus en arabe un truc du style
« Mais sors-leur les cartes d’embarquement, ils sont sur le vol de
Lomé », sachant que le vol nous attendait déjà depuis plus d’une heure et
demi. Je tente un timide « Monsieur, s’il vous plaît, est-ce que je peux
avoir ma carte d’embarquement ? ». Le mec s’empare de mon passeport,
pianote sur son ordi, rien ne sort et il m’annonce « Vous êtes en
stand-by ». Pardon ? Kesako en stand-by ? Derrière moi, trois
autres personnes. « Le vol est surbooké, il ne reste que deux
places ». PARDON ? Je veux bien passer beaucoup de choses aux
compagnies aériennes, je comprends les retards dus aux soucis techniques, je
peux excuser les grèves, mais le surbooking, NO WAY. Pour ceux qui ne savent
pas ce que c’est, c’est une pratique malhonnête qui consiste à vendre plus de
places qu’il n’y en a dans l’avion et à annoncer à quatre pauvres passagers
dans un terminal pourri à 1h du matin qu’ils vont devoir la jouer à la
courte-paille pour savoir qui embarque et qui se tape la nuit d’hôtel avec un
vol aux calendes grecques. Contre toute attente, je parviens à garder mon
calme, j’explique au monsieur que des personnes viennent me chercher demain à
l’aéroport, que je ne peux pas les joindre, qu’elles vont venir pour rien, etc.
Je tente les yeux de cocker et l’air gentiment affolé. Bref, on patiente. Tout
le monde commence un peu à râler, à s’énerver. Je reste étonnamment calme et
polie. Un mec arrive, nous redit qu’il ne reste que deux places, etc. Tout ça
dure une bonne vingtaine de minutes, un autre mec finit par arriver, nous dit
que le monsieur à ma droite et moi-même partons et que les autres restent.
« Suivez-moi, je vous emmène ». Il a nos cartes d’embarquement à la
main, je le suis comme son ombre, on passe les contrôles à la
va-comme-je-te-pousse, et on finit par arriver à bord de notre avion. C’est
alors que je jette un coup d’œil à ma carte d’embarquement, place 3C, PREMIUM.
What ? Dans la pagaille générale, et vu qu’il ne restait sans doute plus
que ces places-là, j’ai été surclassée. Je voyage donc en business class.
J’ouvre un coffre pour tenter d’y ranger mon sac à dos. Plein à craquer, et
impossible de le refermer. Tout l’avion assiste à ma lutte acharnée avec le
coffre. Je garderai finalement mon sac à mes pieds. Finalement, on indique au
monsieur qui a été « sélectionné » pour embarquer qu’il doit aller
s’asseoir au fond. On aperçoit le couloir qui revient. Et qui entre dans
l’avion ? La Française en boubou qui faisait partie des lépreux dont on ne
voulait pas à bord comme moi. Elle prend place devant moi, et le monsieur part
au fond. Quinze minutes plus tard, on entend vociférer depuis le fond de
l’avion. Finalement le monsieur revient, fort mécontent, car il n’a finalement
pas de place. Ca parlemente, ça s’énerve, ça s’emporte. Les stewarts et hôtesses
ont l’air de n’en avoir royalement rien à carrer. Finalement, le couloir
revient pour la quatrième fois, le monsieur sort (en dépit de ses « je ne
descendrai pas »). Mon voisin et moi observons la scène, stupéfaits. Pour
une première avec Royal Air Maroc, je suis servie. Bon ceci dit, je vais pas
pleurnicher, je suis dans mon avion, avec certes quasi trois heures de retard
et j’ai l’impression qu’il fait une halte à Cotonou avant Lomé donc ça va pas
arranger les choses, ma valise a probablement disparu au milieu de la
Méditerranée, mais je suis en business class, on vient de m’apporter une petite
trousse de toilette, j’ai mon postérieur posé sur un coussin fort moelleux et
je sirote un jus de pomme et quelques amandes salées. On vient de jeter un coup
d’œil au menu, ça n’a pas l’air dégueu ! Même si vu que j’ai déjà mangé
dans l’avion entre Paris et Casablanca, et que j’ai l’estomac un peu noué de
toutes ces péripéties, je ne suis pas sûre de l’apprécier à sa juste valeur.
On
m’avait déjà parlé des multiples difficultés aériennes en Afrique mais j’avoue
que je n’étais pas spécialement préparée à ce que ledit bordel commence à
Paris.
Je
considèrerai comme un miracle absolu le fait d’arriver à Lomé en un seul
morceau, et si ma valise est elle aussi au rendez-vous je veux bien me
convertir animiste dans la semaine qui suit.
(…) Après
donc une deuxième escale à Cotonou mais sans sortir de l’avion, je suis
finalement arrivée à Lomé, dans un aéroport tout neuf, dernier cri, inauguré il
y a à peine trois mois. Petit contrôle du carnet de vaccinations, contrôle du
visa, photo, passage de la douane et me voilà dehors. Pas de tee-shirt vert
« Projects Abroad » en vue. J’attends un peu et finis par tenter
d’appeler un des numéros de la liste. Ca décroche, mais impossible d’avoir une
conversation, ce ne sont que des craquements et ça coupe sans arrêt. Je finis
par raccrocher, sans même savoir si mon interlocuteur a compris un traître mot
de ce que je lui ai dit. Finalement, je vois arriver Delphine, vêtue du fameux
tee-shirt vert, tout sourire. Petite bise, Koffi le chauffeur me serre la main.
On discute un peu et on doit attendre une autre volontaire, Tiffanie. Après une
bonne vingtaine de minutes d’attente, elle sort elle aussi de l’aéroport. En
voiture, les valises sont dans le coffre, Tiffanie et moi à l’arrière, on se
rue sur les ceintures de sécurité, heureusement il y en a (ce qui n’était pas
le cas en Chine). Koffi prend le volant, dépose Delphine qui doit faire
plusieurs petites courses, on poursuit notre route. En une demi-heure de
voiture environ, on a déjà un aperçu de Lomé. Quelques routes en macadam mais
la plupart ne sont que des chemins de terre battue (rouge, évidemment), où le
nid-de-poule laisse la place à son cousin togolais, le nid d’autruche, on est bringuebalées
à l’arrière au rythme des coups de klaxon de Koffi qui pourrait rivaliser avec
le plus acharné des Parisiens. Tiffanie est une Française qui travaille dans
une banque à Londres, et elle va faire ici une mission dans un orphelinat. On
la dépose chez elle, et on continue en direction de ma famille d’accueil. On
arrive, je fais la connaissance de Aleysha, une Ecossaise qui fait elle aussi
une mission droits de l’homme. Je rencontre également la maman de la famille,
Louise, dite Loulou et son petit neveu, Prudence qui aide aux tâches ménagères
(faire la vaisselle, aller chercher de l’eau, etc.). On discute, elle me sert
un thé, du jus d’oranges (pressé !) et du pain avec au choix de la
margarine, une sorte de Nutella ou de la Vache qui rit. Mais vu ce que j’ai
déjà mangé dans l’avion, je n’ai pas super faim. Elle me montre ensuite ma
chambre, pour l’instant je suis à l’intérieur même de la maison, en attendant
que le volontaire qui occupe la seconde chambre dans le bâtiment indépendant
s’en aille. Ma chambre est plutôt spartiate, mais semble propre. Une fenêtre
est équipée de moustiquaires, un lit avec des draps, quelques cintres dans une
sorte de penderie, un fil pour faire sécher le linge, une table avec une
chaise. Elle me montre les toilettes et la salle de bains. J’en profite pour
soulager ma vessie, mise à rude épreuve depuis que l’hôtesse m’a servie une
délicieuse tasse de thé à la menthe marocain. Et je décide de prendre
« une douche ». Bon alors, la « douche » se résume à un
carré dans le sol, un robinet d’où s’écoule une eau jaunâtre, un seau et une
petit broc pour se verser l’eau dessus. Je précise que bien évidemment, l’eau
est froide, mais pas non plus super froide. Le premier « broc » me
saisit un peu, mais on s’habitue vite. Je me sèche, et enfile un autre haut, vu
que j’ai transpiré à grosses gouttes dans mon pull de voyage. L’Ecossaise me
dit qu’elle a toujours froid ici, j’espère qu’elle n’est pas sérieuse, sinon je
m’en vais lui rappeler l’auberge écossaise sans chauffage dans les chambres ni
les salles de bains alors qu’il NEIGEAIT dehors. Alors si une Ecossaise me dit
qu’elle a froid au Togo, laissez-moi rire. Bref, j’installe un peu mon bazar,
prend bien soin de pulvériser du répulsif à moustiques sur tout ce que je peux.
On m’a également prêté un casque pour si je suis amenée à prendre le taxi-moto.
Vu la circulation à Lomé, ça risque d’être une grande expérience.
Après
ça, je discute un peu avec Loulou, elle m’apprend les rudiments du éwé (la
langue locale), et on discute un peu de la politique française. Elle en connaît
définitivement plus sur la question que moi sur la politique togolaise…
Delphine
est revenue, elle est en train de manger je-ne-sais-trop-quoi et Loulou envoie
Prudence (le jeune garçon) chercher de l’eau « pour madame ». Il
revient avec un plateau et deux sachets en plastique d’eau. Je déconne pas, de
l’eau dans des sachets en plastique. Jamais vu ça, mais soit. Ce matin, il est
prévu qu’on aille faire quelques courses (change, carte SIM locale, etc.) et cet
après-midi c’est activités avec tous les volontaires, cours de djembé et de
danse africaine. Tout de suite dans le bain !
(…)
Il est 17h30, et je viens de rentrer, complètement claquée de ma journée.
Delphine est venue me chercher vers 10h, on est allées chercher Tiffanie en
taxi-moto. Pour moi, c’était le baptême du feu. Pour tenter de vous rassurer,
sachez que Projects Abroad nous fournit à tous un casque pour les fois où l’on
est amenés à prendre le taxi-moto. Donc, je me hisse sur la mobylette, je m’accroche
au porte-bagages et c’est parti ! Soyons honnête, c’est sportif. Bon déjà,
le trafic est assez dense, des mobylettes de partout, quelques voitures, des
gens qui traversent plus ou moins n’importe où (pas vraiment moyen de faire
autrement…), quelques animaux qui passent (ânes, chèvres, poules, chiens…). Je
tiens à dire que je suis quand même étonnée, la plupart des chauffeurs de
taxis-motos ont des casques, malheureusement c’est rarement le cas des
passagers. Le code de la route n’existe clairement pas, les compteurs des
mobylettes sont de toutes façons cassés donc adieu limitations de vitesse et
autres réglementations. Bref, on récupère Tiffanie chez elle, on poursuit un
peu à pied et on finit par prendre un taxi voiture. On va chercher des cartes SIM
locales pour nos téléphones. Delphine s’occupe de tout pour nous, c’est royal,
incroyablement confortable. La jeune femme de TogoCell s’occupe de faire
fonctionner le truc, de toutes évidence elle sait ce qu’elle fait car une
vingtaine de minutes plus tard, nos portables sont équipés de cartes SIM
togolaises et de la 3G, que demander de plus ? On poursuit avec la banque
pour faire du change et contre toute attente, c’est beaucoup plus compliqué et
surtout incroyablement long. On ressort enfin avec nos billets de francs CFA, Delphine
nous arrête trois taxis-motos, négocie la course et zou, direction un
restaurant. Clairement, je pense qu’on n’a pas mangé dans le truc le plus
miteux de Lomé ni le plus crade. Pour Tiffanie et moi, poulet yassa accompagné
de bananes plantain. Vous dire la quantité de bananes plantain que j’ai mangé
serait indécent. Toujours est-il que je n’ai pas encore faim… Et mon Dieu,
c’était vraiment trop bon. Delphine profite également du repas pour nous
expliquer plein de choses sur le Togo et la culture togolaise, c’est hyper
intéressant et bien trop court à mon goût, puisque nos plats arrivent. Après le
repas, on met le cap sur le grand marché de Lomé. Clairement, je m’étais
imaginé pas mal de choses à propos de ce marché. Mais clairement
pas ça ! Le marché est immense, IMMENSE, divisé en parties selon ce
que l’on y vend. Il y a le coin des légumes et des fruits, puis des épices,
puis des vêtements, puis des chaussures (en grande partie des
« chinoiseries » comme dit si bien Delphine). On y trouve aussi des
tissus pour faire des vêtements, avec de jolis imprimés. Delphine fait
d’ailleurs un peu de shopping. Il y a des fruits magnifiques, des avocats à
vous donner faim malgré les bananes plantain qui vous ont bien calée (Pierrot,
tu serais heureux), des poissons séchés, du bazar, des gens de partout. Ca sent
parfois mauvais (le poisson séché…), parfois super bon (on est passés devant
des gens qui vendaient un truc sur un petit réchaud qui sentait divinement
bon). Plus on avance dans le marché et plus la foule se fait dense, compacte,
plus Delphine est obligée de vérifier qu’on arrive à la suivre. On quitte le
marché en taxi pour rejoindre le « bureau » comme dit Delphine où
nous attend le cours de djembé et de danse africaine. On rencontre le président
de Projects Abroad Togo (le monsieur que j’ai appelé ce matin à l’aéroport
lorsque je ne voyais pas Delphine, et que malheureusement je n’entendais pas,
car le réseau avec ma carte SIM française était trop mauvais). Cours de djembé
donc, avec mon sens du rythme c’était pas ça, mais c’était marrant quand même,
j’ai aussi tenté les maracas sans beaucoup plus de succès. La danse c’était pas
vraiment ça non plus mais c’était marrant, il y avait une bonne ambiance. Ca
nous a permis de rencontrer les autres volontaires, on a déjà trouvé des potes
avec qui essayer de partir en week-end à Kpalimé. On a bu de l’eau dans des
sachets (si, si) et ensuite, complètement claquée, je suis rentrée avec
Emmanuel, un des chauffeurs de taxi-moto qui travaille avec Projects Abroad. Sa
conduite n’a rien à voir avec celle de ceux que j’ai pu tester jusqu’à
présent ! Il conduit doucement, délicatement, contourne les nids
d’autruche, passe les quadruples dos d’âne avec douceur, semble connaître le
sens du mot « priorité », a ralenti pour éviter d’écraser un môme et
a même réussi à contourner un chevreau qui se jetait sous ses roues. Merci
Emmanuel ! J’arrive à la maison, je peux enfin retirer mes lentilles, on
dîne avec les deux autres volontaires, Aleysha et Toby, et je ne demande pas
mon reste pour aller me coucher !
Au
terme de cette première journée, je tiens vraiment à remercier du fond du cœur
Delphine pour son accueil, pour nous avoir tout fait (on peut dire ça, le
change, la carte de téléphone, etc.). Elle nous a permis de passer une
merveilleuse première journée à Lomé et c’était vraiment génial.
Je ris encore
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