dimanche 11 septembre 2016

Hola Barcelona !

 Sagrada Familia



Tapas

samedi 10 septembre 2016

Yovo in Togo (#8) : La fin du voyage !

Dimanche 28 août 2016

Que de choses à raconter depuis que je n’ai pas écrit. Vendredi, nous sommes donc allés à Tsévié avec Emmanuel, déposer son dossier de demande de modification d’acte de naissance auprès du tribunal. On est partis en moto, mais il faut savoir que Tsévié est assez loin, la route étroite, le trafic intense. Pas forcément très agréable mais ça allait encore. On arrive à Tsévié, que là encore, Emmanuel connaît comme sa poche (bien que ce ne soit pas son bled d’origine), on patiente devant le tribunal (un bon moment…) pour un truc qui a duré en tout et pour tout une minute trente. On a ensuite profité d’être là pour qu’Emmanuel aille saluer une de ses amies, sauf que ladite amie n’était pas encore arrivée, on a vu sa maman, sa sœur, tous les enfants de la famille et du quartier, tout ce petit monde commentait mes cheveux et mes cils en éwé (Emmanuel me traduisait ce qui me concernait). On a été faire un tour au marché de Tsévié, tout aussi bordélique que les autres. Ladite amie est finalement arrivée 10 minutes avant qu’on parte mais on a quand même pu la saluer. Nous reprenons la route, de nuit. Jésus Marie Joseph, j’ai cru mourir cinquante fois. La route étroite, pas éclairée, de nuit, plein de voitures, de motos, de camions, tout ce petit monde roulant à vive allure et se doublant à qui-mieux-mieux. J’ai dû probablement broyer l’estomac d’Emmanuel, qui continuait de rire de mes gémissements apeurés. On arrive finalement sur la quatre voies qui marque le début de Lomé. Et là, c’est le pompon, tout le monde accélère, des gens traversent la route de nuit à pied et sans lumière, tout le monde se double dans un concert de klaxons. C’est un miracle qu’on soit encore en vie et qu’on n’ait tué personne. Je n’avais de toutes façons pas vraiment d’autre choix que de faire confiance à Emmanuel les yeux fermés (c’est le cas de le dire parce qu’en plus je me prenais plein de poussière et de sable dans la figure). Je ne vous parle même pas de ce qu’on a respiré pendant une grosse demi-heure mais si j’avais fumé deux paquets de cigarettes, c’était pas plus nocif je pense. Mon Dieu, c’est pas permis de polluer comme ça… Bref, on arrive finalement sains et saufs au restaurant pour rejoindre les autres. Au menu de ce soir : fufu mais avec malheureusement une sauce beaucoup trop épicée pour moi et je ne me régale pas autant que la dernière fois. Je dis au revoir à Tiffanie puisqu’elle part cette nuit.

Samedi, j’ai profité de ma journée pour faire mes bagages, profiter une dernière fois de la plage. Madame Brigitte m’a invitée ainsi que Martin et Salomé (et Aleysha mais elle n’a pas daigné venir). Petit repas chez elle à base de brochettes et de koliko (frites d’igname) avec une sauce à base de poivrons et de piments mais c’était vachement bon. Ils m’ont offert un collier et des boucles d’oreilles, ainsi qu’un certificat de travail au sein de l’ONG. J’en ai aussi profité pour aller donner sa peluche à la petite Elisabeth. Au moment de dire au revoir (ou plutôt adieu…) à cette petite gosse, je me suis mise à pleurer. Le soir j’ai dîné avec Emmanuel dans un resto, plat de spaghettis officiellement à la bolognaise mais je dirais plutôt à l’arrabbiata version togolaise, c’est-à-dire que ça arrachait de fou et je me demande comment je n’ai pas craché du feu. Au moment où Emmanuel me ramène chez moi pour que je termine ma valise, on se fait arrêter par la police. Il faut savoir qu’il y a deux jours il y a eu des vols de motos et trois meurtres dans ce quartier, du coup la police a mis en place des sortes de barrages de nuit pour vérifier que les motos appartiennent bien à ceux qui les conduisent. On s’arrête, Emmanuel montre les papiers de la moto, ça ne semble pas suffire au policier qui commence à dire à Emmanuel de descendre de la moto. Emmanuel lui explique qu’il doit m’emmener à l’aéroport pour prendre mon avion (en fait il doit d’abord me déposer chez moi et je pars à l’aéroport en voiture mais ça revient au même), le flic lui répond qu’ils vont trouver quelqu’un pour m’accompagner. Il n’en est évidemment pas question, primo je ne fais confiance qu’à Emmanuel pour conduire la moto, secondo, je ne pars pas avec n’importe qui en pleine nuit sur une moto, tertio la police ne m’inspire pas particulièrement confiance. Bref, on refuse. Comme c’est bien évidemment de l’argent que le flic veut pour nous foutre la paix, Emmanuel lui sort 500 francs, ça n’a pas l’air d’être suffisant, du coup je fais semblant de me mettre à pleurer. Je dois être plutôt bonne actrice puisque même Emmanuel y croit. Bref, le flic empoche les 500 francs, abandonne le reste, tenterait presque de me « consoler ». Cent mètres plus loin, je demande à Emmanuel si j’ai bien fait de faire semblant de pleurer. Il rigole et me dit « Ah oui c’était très bien ». Bref, on arrive chez moi, je boucle ma valise. A 2h du matin, Delphine débarque en voiture avec Koffi et un autre gars que je ne connais pas. On s’entasse tous dans la bagnole. On démarre sur les chapeaux de roues, les feux rouges semblent être purement décoratifs pour Koffi, on arrive à l’aéroport. Delphine me dit au revoir, repart avec Koffi. Emmanuel reste avec moi jusqu’à ce que je doive passer le contrôle aux frontières. Je lui dis au revoir, passe le contrôle, m’installe en salle d’embarquement. A l’heure où l’on devrait commencer à embarquer, toujours pas d’avion en vue. Ca promet. A l’heure où l’on est censé décoller, toujours pas d’avion et ils annoncent du retard. Dix minutes après, on nous annonce que le vol est « reporté ». A quand ? A la Saint-Glinglin visiblement, puisque le personnel de l’aéroport commence à répartir les gens selon qu’ils peuvent rentrer chez eux ou doivent aller à l’hôtel. Je rappelle le pauvre Emmanuel (qui rentre chez lui à pied et je vous explique même pas comment c’est loin…). Il appelle Kwame (le président de Projects Abroad au Togo). Je sympathise avec une jeune fille dans la même galère que moi. Je récupère finalement ma valise, ressort de l’aéroport. Kwame vient me chercher, me redépose au bureau. Delphine me raccompagne finalement chez moi. A l’heure qu’il est, je n’ai toujours aucune nouvelle de Royal Air Maroc, ni de mon « vol », ni la moindre idée de quand je rentrerai chez moi. Je n’ai plus de crédit sur mon téléphone togolais, plus d’argent, mais sinon tout va bien.

(…) J’ai passé une bonne partie de mon après-midi au téléphone avec le bureau de Projects Abroad qui s’occupe des problèmes de vols, situé en Afrique du Sud, je n’imagine même pas la note que je vais me taper en rentrant. La nana me dit qu’elle me place sur le vol de mardi matin. A ce jour, j’attends toujours son mail de confirmation (on est lundi soir). Après ça, j’appelle Delphine pour la prévenir que je pars normalement mardi. Je lui dis de demander à Emmanuel de venir me chercher. Emmanuel arrive, on part chercher de l’argent et du crédit. Alors que je viens de retirer de l’argent, je reçois un message de Emilie, une jeune fille avec qui j’ai sympathisé à l’aéroport, qui m’informe que notre vol est programmé pour le lendemain à 8h. J’appelle le chef d’escale pour avoir confirmation « Oui, demain 8h Inch’Allah ». Je retéléphone à Delphine, qui m’annonce qu’elle sera chez moi à 5h30. Je finis par m’endormir comme une masse. Réveil à 4h30, je boucle ma valise pour la seconde fois, Delphine, Emmanuel et Koffi arrivent, direction l’aéroport. Je retrouve tous mes compagnons de galère d’hier. Je tiens à remercier Emilie de m’avoir prévenue, car si j’avais attendu que Royal Air Maroc me prévienne, je crois que je serais toujours à Lomé. Delphine et Koffi repartent, Emmanuel attend avec moi, probablement inquiet que le scénario d’hier se répète. Je finis par embarquer à bord de l’avion (minable pour un vol de plus de quatre heures). Je sympathise avec Olivier, le jeune homme assis à côté de moi. On m’a programmée pour faire Casablanca-Paris sur un vol qui décolle de Casablanca à 10h45, alors qu’il est absolument impossible que j’y sois. On arrive finalement à Casablanca. Dans le bus qui nous emmène au terminal, on sympathise avec Floriane et Sarah, deux autres passagères en galère. On arrive au bureau de transit de Royal Air Maroc, le même bureau où j’avais bataillé pour obtenir ma place à bord du vol Casa-Lomé. Et là commence un sketch d’une heure et demi dont je me serais bien volontiers passée. Environ 150 personnes surexcitées, brandissant cartes d’embarquement et passeports. Tout le monde a bien évidemment raté les correspondances ridicules qu’on nous avait données à Lomé. Bref, tout le monde est bien à cran. Un vol supplémentaire a été annulé, ce qui ne fait que rajouter au bordel général. On piétine une heure et demi devant une espèce de gourde, totalement empotée, qui ne connaît visiblement rien à son taf, obligée de demander sans cesse au seul mec qui semble connaître quelque chose au schmilblick. Floriane finit par obtenir une place sur le vol de 18h30, je baratine la nana en lui disant que Sarah, Olivier et moi sommes tous les trois ensemble. Elle finit par nous dégoter trois places supplémentaires. Autour de nous, tout le monde vocifère, menace, s’emporte. Un merdier indescriptible. Il fait une chaleur à crever, je dois faire appel à une patience que je ne soupçonnais pas pour ne pas arracher la tignasse de la gourdasse qui doit me sortir ma putain de carte d’embarquement. Très honnêtement, et je suis navrée d’avoir à dire ça, mais Royal Air Maroc est à ce jour la pire compagnie avec laquelle il m’ait été donné de voyager. Je n’ai jamais vu autant d’incompétence, de nonchalance et d’amateurisme combiné. Je précise également que les avions sur lesquels nous voyageons sont sales, personne ne se donne la peine de ramasser les papiers laissés par les voyageurs précédents. Je suis actuellement dans mon avion pour Paris, j’attends qu’il décolle et s’il ne s’écrase pas quelque part, je m’estimerai heureuse. Pour mes bagages, je prie. Inch’Allah comme on dit ici !

(…) J’ai finalement atterri hier soir à 22h30 à l’aéroport d’Orly. Un monde épouvantable aux tapis roulants pour récupérer les bagages. Ma valise était au rendez-vous, Royal Air Maroc a finalement dû s’apercevoir que ça allait leur coûter trop cher s’ils devaient me dédommager pour tout. Nico est venu avec la voiture, on embarque Olivier que l’on déposera à une station de métro et enfin, retour à la maison !

Le retour m’a fait un sentiment étrange. L’impression de retrouver un endroit à la fois familier et nouveau. Quelques jours seront sans doute nécessaire pour que je récupère ma vitesse de marche parisienne, mon débit de parole franco-français et le réflexe de boire l’eau du robinet. Un grand merci à tous ceux qui ont suivi ces aventures d’une Yovo au Togo (même si souvent en différé à cause des problèmes de connexion). Je vous retrouve très bientôt pour de nouvelles aventures !

mercredi 7 septembre 2016

Yovo in Togo (#7) : La dernière semaine

Samedi 20 août 2016

Désolée, déjà deux jours que je n’ai pas écrit. Hier, pas grand chose de très excitant au travail. Aleysha n’était pas là car elle devait aller au service de l’immigration récupérer son visa. J’ai donc passé ma mâtinée à discuter avec Salomé, de tout et de rien. Les enfants sont arrivés à 11h30, surexcités, difficiles à gérer, au moins 35 gamins dans une pièce de 25 mètres carrés à tout casser. On leur a proposé de nous dire les métiers qu’ils voulaient faire plus tard, et de les mimer avec une petite improvisation. Certains ont révélé de véritables talents d’acteurs. Il faut que j’achète un ballon dans la semaine et vendredi prochain, on leur fait faire des jeux dehors ! Je suis rentrée déjeuner, et l’après-midi, je suis allée acheter un drapeau pour que tout le monde signe dessus. Emmanuel avait préalablement négocié le prix sans moi (« Parce que s’il voit que c’est toi qui achète, ça risque d’être plus cher… »). Haha, j’ai donc évité le « prix Yovo ». C’était aussi le jour du départ de Sidney, une autre volontaire, du coup on est allé l’accompagner à l’aéroport et attendre un peu avec elle. Elle n’avait pas du tout envie de partir, a pas mal pleuré et ça m’a fait penser que je pars également la semaine prochaine, et que je n’ai pas du tout envie de partir non plus. Le soir, on est allés prendre un verre au « bar camionnette » avec tous les autres volontaires. Tout le monde a signé mon drapeau, de petits mots adorables qui m’ont fait chaud au cœur. Merci ! <3

Ce matin, départ de bonne heure pour Togoville, avec Aleysha et Diana. On se rejoint à l’hôtel Palm Beach, Koffi nous négocie un taxi partagé, et c’est parti. Une fois de plus, on a fini à sept dans la bagnole, avec une douzaine d’arrêts sur 30 kilomètres, et j’ai fait une partie du trajet assise sur le frein à main. On the road again ! On arrive au bord du lac Togo, il faut traverser en pirogue pour rejoindre Togoville. Et là, il a fallu négocier avec les piroguiers. Vous connaissez mon talent en marchandage, proche du néant intersidéral. Bref, Aleysha, Diana et moi nous y mettons. Il faut savoir que le prix pour les locaux est de 200 F. CFA par personne pour un trajet. Quand on lui demande le prix, le mec nous annonce : 15 000 F. CFA pour nous trois, aller et retour, soit un peu plus de 10 fois le prix. N’ayons peur de rien ! On rigole et on lui fait clairement comprendre qu’on ne paiera jamais ce prix-là. Soudainement, le prix tombe à 6 000, mais c’est encore trop cher. On paiera finalement 4 000 pour nous trois, aller et retour. Anna qui y est allée il y a environ trois semaines, a payé 3 000 par personne. On s’en tire pas si mal ! On monte donc à bord de la pirogue, trois autres personnes avec nous et une moto. Heureusement, le lac n’est pas profond. On arrive à Togoville, on se fait alpaguer par un guide, les filles ont l’air de trouver ça nécessaire, c’est pas bien cher, allons-y. Il nous montre la maison du « roi », j’ai pas exactement compris de qui il s’agissait, toujours est-il qu’il n’était pas là. On part ensuite voir la statue symbolisant l’amitié germano-togolaise. Deux femmes sont représentées, l’Allemande à gauche, la Togolaise à droite (assez facile à identifier, il suffit de regarder les nez des deux statues). On monte ensuite vers l’église, construite en 1910 pendant le protectorat allemand, peinte par un peintre italien et qui reçut la visite de Jean-Paul II (premier et dernier pape à s’être rendu à Togoville à ce jour) en 1985. On visite ensuite le centre artisanal et sa boutique (Aleysha craque pour une petite chèvre en bois). Commence ensuite la partie « vaudou » de la visite. Façade de maison ornée d’un fétiche censé éloigner les mauvais esprits, arbres à fétiches avec des pagnes en guise d’offrandes, fétiche masculin aux organes sexuels respectables, fétiche féminin, etc. Le tout commenté par notre guide. Les histoires de mauvais esprits, de féticheurs et autres me laissent toujours aussi dubitative, mais il faut être conscient de la place que cela occupe ici dans les mentalités. Par contre, quand le guide commence à nous parler d’aller rendre visite à la princesse sacrée de la forêt, en nous expliquant qu’il faut acheter une bouteille de gin, de je-ne-sais-quoi et tout un tas de trucs, je me dis que les princesses sacrées des forêts togolaises ont l’air d’avoir une sacrée descente. Bref, véridique ou pas, on n’a pas autant d’argent à mettre dans des pratiques vaudous plus ou moins authentiques. On réembarque à bord de la pirogue, à bord d’un autre taxi (on se serre à quatre à l’arrière) pendant que je laisse les joies du frein à main aux autres passagers devant. On mange un petit quelque chose à Breakfast to Breakfast (un hamburger en ce qui me concerne, et c’est probablement le truc le moins bon que j’ai mangé depuis que je suis arrivée ici). Emmanuel me ramène, petite sieste, et on repart en ville pour que je change de l’argent. Il s’est renseigné pour moi auprès de Delphine, on cherche un certain Kokou. On se fait alpaguer par d’autres changeurs devant la banque, Emmanuel s’occupe de mettre la main sur le fameux Kokou pendant que je me fais gentiment draguer par les autres. « Vous êtes très jolie. _ Ah merci. _ Française ? _ Oui. _ Vive la France alors ! ». Emmanuel finit par dénicher le fameux Kokou, qui m’échange mes euros en francs CFA avec la liasse de billets qu’il a à la main sur le trottoir. (PS : Ne faites jamais ça, mais passons). J’ai mon blé, retour à la maison, bananes plantain bouillies pour le dîner. Je suis crevée et demain je dois me lever aux aurores pour la super compétition de course sur la plage. Merci Koffi !

Lundi 22 août 2016

La journée d’hier a été trop longue et trop épuisante pour que je vous la raconte le soir-même. Je me suis donc réveillée à 4h30 (un dimanche matin, Seigneur Jésus), Emmanuel m’attendait devant chez moi à 6h00, direction l’hôtel Palm Beach où nous retrouvons Diana, Koffi et Papi. Je me rends immédiatement compte que je n’ai pas pris suffisamment au sérieux le challenge lancé par Koffi. Moi qui croyais faire deux fois 100 mètres sur la plage avant de m’affaler sur ma serviette et de glander, je m’étais lourdement trompée. Ils sont tous en fringues de sport (des tenues de footballeurs pour la plupart, Papi aux couleurs du Togo, Emmanuel à celles de l’Espagne et Koffi d’un club allemand que je ne connais pas). Diana aussi. Et moi évidemment gros boulet, je suis en jupe avec mes sandales. Qu’à cela ne tienne ! Impossible n’est pas français et encore moins togolais. On part en petites foulées, de l’hôtel Palm Beach jusqu’à la frontière avec le Ghana. Ca fait environ 2 kilomètres. Dans toute la ville, des groupes de centaines de jeunes hommes au petit trot, en chantant et au rythme de la musique. Une fois que vous avez vu ça, vous savez pourquoi ce sont toujours des Africains qui gagnent le marathon aux JO… Quand on arrive finalement à la frontière, je suis pas loin de demander une assistance respiratoire et le rapatriement immédiat vers la France, mais je finis quand même le truc. On revient en marchant, sauf pour Diana et Koffi qui continuent de se défier. Diana a d’ailleurs vaillamment défendu les couleurs de l’Europe dans cette petite compétition. Finalement, Koffi décrète que tout le monde a gagné, le Togo un peu plus que les autres quand même, et on va s’affaler sur la plage et prendre des photos pour immortaliser ce moment. En retournant prendre les motos, Koffi nous offre à tous un Fan Milk, l’espèce de glace étrange dont Anna raffole. Perso je n’ai jamais vraiment goûté, donc je prends celui au chocolat. Bon, très honnêtement, c’est pas inoubliable et je ne pense pas que ça ait un jour droit de séjour en France. En gros c’est un glaçon au chocolat avec beaucoup de sucre et de produits chimiques. Tu peux à peine le tenir tellement c’est froid, tu dois attendre que ça fonde pour le boire ou alors y laisser tes dents et la paroi interne de ton œsophage. Bref, je tente de manger le truc, m’en renverse la moitié sur ma jupe (qui était propre), j’en ai plein les mains, je finis par avaler le dernier morceau qui tombe comme une pierre dans mon estomac et heureusement qu’Emmanuel est en train de mettre de l’essence dans la moto, sinon il aurait fallu qu’on s’arrête. J’ai les mains dégueulasses, pleines de sable, de charbon, de Fan Milk fondu et de poussière. Je me laverai finalement les mains à la lessive, une grande première. L’après-midi, direction une plage privée, Tiffanie qui est revenue de Kpalimé est avec nous, les garçons nous offrent généreusement l’entrée. Koffi a amené un ballon, on joue dans l’eau (qui n’est vraiment pas chaude), puis Tiffanie, Diana et moi on va sécher sur le drap que Papi a apporté, jusqu’à ce qu’une vague plus puissante que les autres ne vienne tout tremper. Le soir, dîner à la maison et je ressors pour aller prendre un verre avec les autres. On arrive dans un bar enfumé qui me rappellerait presque Prague, un bar à chicha (ce qui figure dans le top 5 des endroits que je déteste le plus au monde), avec des expats qui jouent au billard et d’autres qui te regardent comme un bout de viande sur pattes, beurk. On ne tarde pas à sortir parce que Anna peut à peine respirer à l’intérieur et finalement, je rentre à la maison pour aller m’écrouler de fatigue dans mon lit et m’endormir comme un bébé.

Ce matin, en posant le pied par terre, mes jambes m’ont douloureusement rappelé qu’il ne fallait pas se mesurer aux Togolais sur le plan de la course à pied, je me suis traînée jusqu’à la table du petit déjeuner. Aleysha est malade et ne viendra pas travailler aujourd’hui. Martin pareil. Il n’y a que Salomé et moi au bureau, je commence à écrire mon « rapport de stage » et j’en profite également pour vous écrire ce journal.

La matinée s’est passée sans rien de particulier à noter, j’en ai profité pour commencer mon rapport de stage que je dois rendre avant de partir et pour discuter un peu avec Salomé. Je suis ensuite rentrée déjeuner, j’ai profité d’avoir du temps pour me laver les cheveux et Emmanuel est venu me chercher. Je devais tenter de retirer de l’argent à un distributeur. Le problème est que officiellement la Mastercard ne fonctionne pas au Togo (si on en croit le Guide du Routard et le site de Projects Abroad). Mais quelques recherches sur Internet m’ont permis de constater que la Banque togolaise du Commerce et de l’Industrie prenait également les Mastercard. Effectivement, je retire sans aucun problème. Je vais ensuite au bureau faire un autre feed-back avec Mar. Mar est vraiment une personne adorable, douce, souriante et une des belles rencontres de ce voyage.

Mercredi 24 août 2016

Les journées passent vite et je n’ai pas toujours le temps d’écrire (ou parfois je suis juste tellement claquée que je m’affale comme une loque et que je m’endors direct). Les journées passent vite disais-je donc. Trop vite. Je pars déjà dimanche et le moins que l’on puisse dire est que je n’ai pas du tout, mais alors pas du tout envie de partir. Il est plus que probable que je fonde en larmes à l’aéroport au moment de dire au revoir à tout le monde, car à moins de revenir ici prochainement, il est probable que je ne reverrai pas toutes les personnes que j’ai rencontrées ici…

Hier, nous sommes allées travailler une demi-heure plus tôt que d’habitude, pour partir au village de Légbassito. On prend une voiture (à 5, ce qui semble normal en France mais est singulièrement confortable au Togo). Le chauffeur sourit en voyant mon bracelet aux couleurs de l’Afrique (vert, rouge, jaune et noir). Il a lui-même une décoration des plus originales sur son tableau de bord. Un drapeau togolais côtoie un drapeau américain, une sorte de main pendouille aux couleurs du Ghana aux côtés d’un perroquet multicolore. Le reste du tableau de bord est recouvert d’une sorte de fourrure synthétique qui ressemble un peu au tapis de mon salon en plus vieux et un peu plus déplumé. Bref, on embarque, direction Légbassito. La route est dégueulasse, des nids d’autruche de partout, Dieu merci je suis montée devant et me suis aussitôt jetée sur la ceinture de sécurité. Le chauffeur s’amuse de mes gémissements quand la voiture heurte la quatorzième ornière en un quart d’heure. Bref, on arrive au dispensaire de Légbassito. La directrice nous accueille, très gentille, explique aux femmes venues faire vacciner leurs enfants la raison de notre visite. On commence notre petit speech, Martin présente l’association, j’explique la démarche des actes de naissance, Salomé traduit en éwé. Il semblerait que les enfants ici présents aient tous un acte de naissance, ce qui n’est en revanche pas toujours le cas de leurs parents. On explique alors aux mamans comment elles peuvent elles-mêmes obtenir un acte de naissance. On remercie les femmes pour leur attention, mon fameux « Akpélo » fait de nouveau sourire et nous partons. Retour au bureau, comme c’est mardi on part à midi, bananes plantain et petits pois pour le déjeuner. Emmanuel vient me chercher pour m’emmener au bureau de Projects Abroad. Au programme du jour : atelier de peinture selon la technique batik. En gros, on a un genre de toile enduite et on doit peindre dessus. On nous prépare les toiles en nous faisant un petit dessin. Le mien représente un village avec des cases, un palmier et un petit chemin. Je décide de transgresser un peu les règles de l’art et de peindre tout le tableau dans les tons rouges, orangés et jaunes. Gilbert qui anime l’activité a l’air de penser que je suis tombée sur la tête. Si vous connaissez mon quota de patience et mon intérêt pour les travaux manuels, vous vous doutez que j’ai tout fait pour finir le truc le plus rapidement possible. Pour ceux qui ne me connaissent pas plus que ça, je déteste peindre. En fait, je déteste tout ce qui est travaux manuels. Mais je me dis qu’une fois n’est pas coutume et que c’est l’occasion de tester quelque chose de nouveau. Bref, j’ai fait de mon mieux, le résultat est ignoble mais passons. Le soir, on va dîner dans une sorte de pizzeria avec tout le monde puisque c’est le dernier soir de Diana, elle part demain. Bon, on passera sur la pizza qui n’aurait pas droit de séjour en Italie, mais on passe un bon moment. Je discute avec Mar, qui m’explique qu’elle est venue ici la première fois car elle rédigeait son mémoire sur les coutumes de veuvage au Togo. Et elle m’explique quelques unes de ces coutumes, plus ou moins surprenantes pour un esprit occidental. Par exemple, dans certaines ethnies ou certains villages, la femme doit rester recluse pendant un certain laps de temps qui suit le décès de son époux. Ledit laps de temps peut aller de quelques semaines à plusieurs mois… Elle me confirme aussi ce que j’avais déjà entendu dire, qu’à certains endroits, lorsque le mari décède, sa femme épouse le frère de son mari défunt. Koffi m’a fabriqué un bracelet aux couleurs de la France et du Togo, c’est trop mignon et il est venu s’ajouter à celui que j’avais déjà fabriqué il y a deux semaines. Diana m’offre également un de ses pantalons sur lequel j’avais flashé quand elle est arrivée. Diana est un amour et également une des belles rencontres de ce voyage. J’espère la revoir très vite, en Espagne, en France ou ailleurs.

Jeudi 25 août 2016

Hier, nous avons donc dit au revoir à Diana. Koffi (son chauffeur) était visiblement très triste de la voir partir, il avait perdu son habituel grand sourire et semblait traîner la patte à l’idée de partir à l’aéroport. Le matin, nous n’avions rien fait de particulier au travail, j’avais une sorte d’aigreur dans l’estomac qui me donnait envie de vomir (la Malarone, probablement, mais c’est la première fois que je ressentais un quelconque effet secondaire). Toutefois, une bonne assiette de riz à la sauce plus tard, le problème était résolu. Emmanuel m’a emmenée au bureau dire au revoir à Diana, et ensuite nous sommes partis à la recherche de produit à lentilles, une denrée visiblement rare au Togo. Evidemment, il m’en manque pour finir le séjour. Après avoir demandé le matin à la pharmacie de Djidjolé (ils n’en avaient pas), Mar m’avait conseillé d’aller à la pharmacie des étoiles. C’est une pharmacie visiblement tenue par une Française et ce sont exactement les mêmes produits qu’en France. Mais ils n’avaient pas non plus de produit à lentilles. Ils m’ont conseillé d’aller chez Krystal Optic, un opticien non loin de là, exactement comme en France là encore, où j’ai payé mon produit à lentilles un prix supérieur à ce que j’aurais payé en France. Mais peu importe. C’est la loi de l’offre et de la demande finalement. Une fois de plus, Emmanuel connaissait absolument tout, je cherche encore à le coller, mais en vain. Il m’explique que s’il connaît aussi bien les magasins, restaurants, bars, etc. c’est parce qu’il fait en général le taxi dans le centre-ville. « Et quand j’ai commencé à faire le taxi, je cherchais ardemment de l’argent pour rembourser la moto, alors j’allais partout ». C’est le père d’un de ses amis qui lui a acheté la moto, et il l’a remboursé petit à petit. Ca fait quatre ans qu’il vit ici et je crois que je ne connais même pas un quartier de Paris aussi bien qu’il connaît Lomé. Je rentre dîner à la maison de bananes plantain et de haricots verts. Gros dodo.

Vendredi 26 août 2016

Hier matin, nous sommes allées au tribunal avec Salomé, pour voir s’il y avait un procès. Malheureusement, il n’y en avait pas, mais nous avons pu rencontrer le juge des enfants, discuter un petit peu avec lui dans la glacière qui lui servait de bureau (la clim à 17°C, ce qui faisait un bon 10 degrés d’écart avec l’extérieur). Il nous a expliqué deux trois trucs sur le système togolais et on est ensuite rentrées au bureau. Le midi, on a mangé des pâtes à la maison, j’ai presque eu l’impression d’être de retour à Paname. Après une petite sieste réparatrice, Emmanuel m’a emmenée à Amnesty International. Le directeur n’était pas là, mais on m’a donné un numéro que je pourrai appeler pour quémander un stage. Le soir, on est allés dîner dans un restaurant à côté de chez moi, où la spécialité est du poisson braisé. Du coup, j’ai mangé des bananes plantain frites. Si ça continue, je vais me transformer en banane plantain.


Ce matin, petite douche et dernier lavage de cheveux à l’eau froide avec les seaux. Mes cheveux font sérieusement la gueule et ne semblent pas aimer l’Afrique autant que moi. Un petit tour chez le coiffeur en rentrant s’imposera. Aujourd’hui, c’est mon dernier jour de travail. J’ai apporté mon drapeau togolais au bureau pour le faire signer à Martin et Salomé. Les enfants viennent normalement à 11h et à midi, je dois rentrer car Emmanuel vient me chercher à 13h, direction Tsévié, où nous allons au tribunal pour faire modifier son acte de naissance.

lundi 5 septembre 2016

Yovo in Togo (#6) : Moto et canne à sucre

Mercredi 17 août 2016

Ce matin, réveil encore un peu difficile. Je crois que je suis enfin en train de m’adapter aux deux heures de décalage horaire et du coup, devoir me lever à 6h du matin tous les jours devient presque aussi difficile qu’à Paris. Un peu plus et je n’entendrais plus les coqs et mon piaf. Bref, toilette, je rince mes fringues d’hier que j’ai laissé tremper toute la nuit, mais la peinture n’est pas vraiment partie. Petit déjeuner et on part au bureau. On est censées décoller à 8h30 direction le village de Davié, à environ 30 kilomètres de Lomé. Bon, à 9h15 on était encore à Lomé… Mais on a fini par lever le camp. Aleysha, Salomé, madame Brigitte et moi dans le taxi, conduit par un chauffeur évidemment. On arrive finalement à Davié, où on apprend que le gongonneur s’est planté et a gongonné pour 8h au lieu de 10… Il sera payé quand même, rassurez-vous. Petite parenthèse sur le gongonneur. C’est un mot que j’ai appris ici et je ne pense pas qu’il existe en France (s’il existe, faites-moi signe). En gros, c’est un mec qui frappe un instrument quelconque (probablement un gong ou un truc du même style) pour avertir la population d’un village ou d’un quartier d’un événement quelconque. C’est le cousin de l’événement Facebook, en plus traditionnel. Inutile de vous dire que la première fois qu’on m’a dit qu’il fallait payer le gongonneur, j’ai mis un moment à comprendre de quoi il s’agissait. Bref, ce matin, erreur de gongonnage, mais à 10h il y a encore une quinzaine de personnes dans le tribunal coutumier de Davié. Je déconne pas, le tribunal coutumier, c’est écrit sur la porte. On rencontre le chef du canton, le « leader d’opinion » (en gros, un mec qui parle éwé et français et a une certaine influence sur les villageois), l’officier d’état-civil, etc. On entre dans le tribunal, on siège à la place des magistrats, le leader d’opinion commence à expliquer pourquoi on est là. Puis madame Brigitte prend la parole, et se lance dans une sorte de one-woman show que je sentais venir mais avec encore plus de talent que je n’aurais cru. Puis c’est mon tour, Aleysha ayant refusé de prendre la parole en français devant tout le monde (ce que je peux comprendre). J’explique donc le pourquoi de notre venue, l’importance des actes de naissance, la démarche à suivre, etc. Au fur et à mesure, le leader d’opinion traduit. Je termine mon speech par un « Akpélo » (merci en éwé) qui fait sourire toute l’assistance comme un seul homme et me vaut autant d’applaudissements que madame Brigitte. Contre toute attente, certains villageois comprennent parfaitement le français, je le vois dans leurs yeux pendant que je parle. Madame Brigitte et le leader d’opinion reprennent de nouveau la parole, répondent aux questions des villageois, etc. On est chaleureusement remerciées. On quitte le village, un peu plus loin, on va visiter une école dans laquelle ASFEEN intervient parfois pour des distributions de matériel scolaire. Peut-on réellement parler d’école quand il n’y a pas de murs, pas de tables, pas de chaises et qu’il y a des trous dans le toit… En tout cas, c’est là qu’ont lieu les cours des CP et CE1. Plus loin le bâtiment des plus grands. Sur le tableau, les restants d’un cours de grammaire française. L’accord du participe passé avec l’auxiliaire avoir, pas le truc le plus simple. On rentre ensuite à Lomé, la route est encombrée par des camions chargés à n’en plus pouvoir, avec à leurs sommets de jeunes hommes assis ou parfois endormis sur le chargement.

(…) L’après-midi, Emmanuel est donc venu me chercher pour mon premier cours de moto. On est allés sur le terrain d’un lycée technique, là où c’est plat, où il y a de la place et pas trop de monde. Emmanuel m’explique le fonctionnement de la moto, c’est mille fois plus compliqué que je n’aurais cru, surtout qu’il y a la moitié des trucs qui ne fonctionnent plus. Le démarreur est mort, il faut démarrer la moto avec le starter (je n’ai jamais réussi…), les clignotants ne fonctionnent plus depuis belle lurette, le compteur non plus. Bref, l’embrayage, l’accélérateur et le frein fonctionnent encore, alléluia, je tente de démarrer le truc. Inutile de vous dire qu’il est inenvisageable qu’Emmanuel lâche le guidon, ni ne me laisse manœuvrer la chose toute seule, je tiens à ma vie, et je ne veux pas lui fusiller sa bécane (qui est, je le rappelle, son outil de travail). Bref, on fait quelques tours, je me serais très probablement pris un arbre s’il n’avait pas parfois redressé le guidon, mais jusqu’à maintenant, pas d’accident à déplorer. Je lui dis ensuite que je voudrais acheter une peluche pour la petite Elisabeth, direction donc le marché d’Adidogomé. On repère un stand de jouets de seconde main (vu l’état de certains, probablement de dixième main…). Nous voilà à genoux en train de farfouiller dans les nounours, tous plus sales et amochés les uns que les autres.  Ca me fait rire de voir dans le tas des peluches Diddl que je collectionnais quand j’avais environ 12 ans. Je finis par dégoter une sorte de cheval pas abîmé, un peu sale mais ça devrait pouvoir se nettoyer facilement. Emmanuel me négocie ça pour 200 francs (environ 30 centimes d’euros…). Je repars avec mon petit cheval. Un peu plus loin, une dame vend des cannes à sucre. C’est l’occasion de goûter. Je laisse Emmanuel négocier, couper les cannes à sucre avec un genre de machette (le truc est vendu tel quel, donc ça doit faire environ 1,20 mètre de haut), couper une corde avec ses dents pour attacher les morceaux de canne à sucre, et on repart en moto, les cannes à sucre en équilibre, le nounours sur mes genoux. A ce rythme là, j’embarque un mouton sur la moto avant la fin du séjour. N’ayant qu’un billet de 10 000 francs, je dois faire de la monnaie car personne ne l’acceptera jamais surtout pour deux trois fruits que je voudrais acheter. Emmanuel m’emmène chez ses amis de la station-service. J’ai ma monnaie, on repart à la recherche de caramboles que j’ai vues ce matin. 500 mètres plus loin, Emmanuel s’arrête pour acheter des chips de banane plantain à une dame et me faire goûter. Il ouvre le paquet et en bon Togolais qui se respecte, balance le morceau de plastique par terre. Je tente de lui expliquer les bienfaits des poubelles et du recyclage. Finalement, on arrive vers le bureau où je travaille, je retrouve ma petite dame qui vend les caramboles. On en achète deux, elle me demande si je veux aussi un corossol, mais je n’ai jamais goûté. Elle en ouvre un, je goûte, c’est plutôt bon, va pour le corossol. Quand j’ai voulu le lui payer, elle m’en a fait cadeau. Une fois de plus, mon « Akpélo Mama » a fait sourire tout le monde. Emmanuel me redépose devant chez moi, je demande à Prudence un couteau. Prudence revient avec un couteau qui doit faire la taille de mon avant-bras. Emmanuel commence à couper la canne à sucre. Clairement, je n’aurais jamais réussi à le faire moi-même. Aleysha nous rejoint mais elle n’aime pas la canne à sucre. Je goûte pour la première fois, c’est comme un paquet de foin rempli d’eau sucrée. Il faut une fois de plus mâchouiller, extraire toute l’eau des fibres et ensuite tu peux cracher le reste. Décidément, il faut cracher la moitié de tout ce que tu manges ici. On mange un des trois morceaux de canne à sucre. Je fais cadeau des autres à Prudence et à Loulou. Quand je les verrai déguster leurs morceaux de canne à sucre devant la télévision, ça me fait plaisir. Je manque m’étrangler une demi-douzaine de fois avec les fibres qui me tombent dans la gorge, mais c’est vachement bon. Quand on a fini, il y a un joli tapis d’écorces de canne à sucre et de morceaux de canne à sucre crachouillés à nos pieds. Emmanuel, qui semble avoir été plus réceptif que prévu à mon sermon écolo, ramasse les morceaux de canne à sucre et on utilise le sac plastique des chips de bananes pour les jeter. Je les mettrai dans la poubelle de la maison, histoire d’être sûre. Je remercie Emmanuel qui refuse la moitié de l’argent que je voulais lui donner (je précise qu’il a payé la moitié des trucs qu’on a acheté car je n’avais pas la monnaie, et payer 100 francs avec un billet de 1 000, c’est quasi impossible ici). Je dîne avec Aleysha et en guise de dessert, je finis mon corossol, qui est vraiment délicieux. Grande séance de papotage avec Aleysha, qui me prête des fringues pour le restant de la semaine car les miennes sont sales à faire peur et dégagent une odeur à décimer une meute de chacals, et on ne sait pas encore quand la dame de la lessive va venir.

Vendredi 19 août 2016

Hier, je suis rentrée un peu tard et j’étais trop claquée pour vous raconter ma journée. Hier matin, on n’a rien fait de spécial au bureau. On devait initialement aller au tribunal, sauf que la voiture de madame Brigitte n’était pas disponible, que ça nous faisait suer de payer un taxi alors qu’on n’était même pas sûres qu’il y ait un procès. Et de plus, on devait être rentrées pour 11h pour aller déjeuner et être à 13h au marché. Bref, on est restées à papoter, j’en ai profité pour terminer de traduire l’article de Becky sur les droits des femmes en prison au Togo et on est rentrées déjeuner. Au menu, plâtrée de riz avec la sauce rouge. Aleysha, une fois de plus, a mangé à peine un cinquième du plat et j’ai mangé le reste. « Mais où est-ce que tu mets tout ce que tu manges ? ». On retourne ensuite au bureau, et on part à pied direction le marché de Gakli (ou Djidjolé, c’est le même). On arrive, il semblerait que tout le monde ait oublié que nous devions venir aujourd’hui. Personne n’a gongonné, la présidente a oublié de prévenir les femmes. On amène quelques bancs sous la halle centrale du marché, le reste des gens s’assoit sur un muret. D’une dizaine de femmes, on passe rapidement à une vingtaine, quelques jeunes hommes également, les enfants accourent dès qu’ils aperçoivent Yovo, je finis même par faire mon speech avec un chien couché quasi à mes pieds. Salomé, ma collègue, traduit au fur et à mesure. Une fois de plus, les femmes posent des questions. Beaucoup de gens ont des problèmes concernant leurs actes de naissance. Pour en avoir discuté avec Emmanuel, j’ai appris avec horreur que lui aussi avait un problème. Il a fait son acte de naissance, malheureusement, la personne a commis une erreur et lorsqu’il a voulu demander la nationalité, on lui a dit que son acte de naissance n’était pas valable à cause de l’erreur. Rien que pour corriger l’erreur, il faudrait qu’il paie 15 000 francs… Bref, on répond aux questions des gens. Une fois de plus, les gens ont l’air contents de notre démarche. Un des jeunes hommes me serre la main avec chaleur en me disant « Akpé Yovo, akpé ». On colle ensuite l’affiche sur un des poteaux de la halle centrale. Martin colle ça avec une sorte de pâte que Salomé mangeait la dernière fois. C’est un peu dégueu à faire mais ça colle plutôt bien. On rentre ensuite à la maison, Aleysha et moi décidons d’aller faire un tour au bureau de Projects Abroad. On a besoin du wifi, car je voudrais mettre en ligne la suite de ce journal et aussi montrer à Mar la traduction que j’ai faite de l’article de Becky. On appelle donc Aményo et Emmanuel, et en route. Au bureau, je montre donc ma traduction à Mar, à Becky puisqu’elle est là. Je discute ensuite avec Emmanuel et Koffi (un autre chauffeur de taxi-moto, celui qui conduit Diana tous les matins à son stage). Koffi a organisé dimanche matin une « compétition » de course sur la plage. « Ce sera les Noirs contre les Blancs, et il faut qu’on vous gagne ». Je lui dis en riant que ce n’est pas une partie d’échecs et que de toutes façons, la victoire leur est assurée avant même d’avoir commencé, puisqu’on est une majorité de filles et que personnellement, je ne suis pas du tout sportive. Tenez-vous bien, ils vont me faire lever aux aurores dimanche matin pour aller courir… On aura tout vu. Bref, on rentre ensuite à la maison dîner (omelette aux poivrons et bananes plantain frites, j’embrasse Loulou avant de partir tellement c’était bon), et on repart direction un bar que je ne connais pas, pour prendre un verre avec les autres volontaires. J’en profite pour discuter avec Diana, Annaëlle, Sam et Tiffanie. Papi, le chauffeur de Tiffanie, nous explique des choses sur la culture togolaise (pisteurs, tam-tam, etc.). Je rentre ensuite avec Emmanuel après une petite séance de motocross nocturne (je déconne, c’est juste l’état de la route qui me fait dire ça).

PS : Petite anecdote de vocabulaire supplémentaire. Hier soir, au bar, au moment de partir, je vois Emmanuel toujours assis. Je lui demande si on peut partir ou s’il attend quelque chose. Il me répond « Oh oui, j’attends mon reliquat. » Hum… c’est-à-dire ? « Ta monnaie c’est ça ? ». Et en fait, en cherchant sur Internet, je viens de découvrir que le mot « reliquat » a aussi un sens financier et pas seulement le sens littéraire qu’on lui donne généralement en France. En rentrant, je vous dirai que j’ai payé le gongonneur mais que j’attends mon reliquat. 

vendredi 2 septembre 2016

Yovo in Togo (#5) : Long week-end à Lomé

Samedi 13 août 2016

Ce week-end, je n’ai rien de particulier de prévu. La plupart de mes potes volontaires sont partis au Ghana, mais je n’avais pas assez d’argent pour payer le visa que l’on peut obtenir à la frontière et je n’avais qu’un visa à entrée unique, donc si je sortais du territoire du Togo, je ne pouvais plus y revenir. Le Ghana ce sera pour une autre fois. Je reste donc à Lomé ce week-end, Anna la volontaire anglaise qui était avec moi à Kpalimé aussi, donc on va probablement faire des trucs ensemble. Ce matin, nous avions d’ailleurs prévu d’aller au village artisanal. J’ai profité d’être réveillée par l’appel à la prière/les coqs/l’oiseau qui vit sous ma fenêtre pour me laver les cheveux, opération toujours quelque peu périlleuse ici, j’ai pris mon petit déjeuner, Emmanuel est venu me chercher à 9h30 et m’a déposée devant le village artisanal. Comme d’habitude on discute en route. Hier soir, Isabel l’avait déjà appelé pour qu’il vienne la chercher (c’est son chauffeur attitré, car il l’emmène tous les jours au travail. Moi, comme mon travail est à 2 minutes de chez moi, j’y vais à pied, donc je n’ai pas de chauffeur attitré) et donc il n’a pas pu me ramener. Il me dit qu’il veut déménager et qu’il a trouvé une autre maison vers la frontière avec le Ghana. Oui, j’ai oublié de le préciser mais la ville de Lomé est totalement sur la frontière avec le Ghana et il suffit de changer de quartier dans la ville pour arriver à la frontière. Devant le village artisanal, je retrouve Anna. On fait le tour, c’est une sorte de petite cour autour de laquelle sont disposés des stands, les artisans travaillent en même temps et vendent le fruit de leur travail. Anna négocie une trousse (qu’elle fait passer de 1 500 francs à 500 francs…, le genre de trucs dont je suis parfaitement incapable haha). On arrive au niveau des cordonniers en plein labeur, dont les gestes et le bruit du marteau me sont étrangement familiers. J’explique au monsieur que mon père fait le même métier que lui et lui demande s’il accepte que je le prenne en photo pour montrer à ma famille. Il accepte très gentiment et dit « Bonjour Papa ! » quand je prends la photo. Les Togolais n’ont pas volé leur réputation d’être un des peuples les plus hospitaliers d’Afrique de l’Ouest. Après avoir fait le tour du village artisanal, Anna et moi nous dirigeons vers le Musée national. En arrivant à hauteur du musée, je retrouve Emmanuel, à qui j’avais dit que j’irai au musée mais comme je ne savais pas combien de temps j’allais rester et que je lui enverrai un message. Avec Anna, on entre dans le musée, c’est 2 500 francs l’entrée. Le musée est exactement tel que le Routard le décrit. Certes, il est relativement petit (deux salles), la collection n’est pas extrêmement riche (ceci dit les œuvres ont été soit pillées, soit vendues à cause d’un manque de moyens, et je pense qu’on doit pouvoir en retrouver un certain nombre à Paris au musée du Quai Branly…), mais on sent une véritable volonté de mettre en valeur la culture togolaise, de l’expliquer au visiteur. Les panneaux explicatifs sont nombreux et bien rédigés. La première salle est consacrée aux explications des pratiques artisanales selon les différentes régions du pays. Les forgerons, la vannerie, des armes de la région de Bassar, des tissus, des instruments de musique, etc. La plupart des volontaires m’avaient dit que le musée n’était pas intéressant, que les œuvres les plus importantes avaient été vendues, etc. Anna et moi sommes bien contentes d’avoir tenu à nous faire notre propre opinion. C’est sûr que si on arrive dans ce musée en s’attendant à visiter le Louvre ou le MET, on risque d’être relativement déçu. Le musée n’a pas à rougir de sa collection, ni de sa présentation. La deuxième salle est consacrée à l’histoire du pays, depuis la traite des esclaves jusqu’à l’indépendance en 1960. On y voit de terribles menottes, chaînes et entraves. On y trouve aussi des cartes datant de l’époque coloniale. Egalement des photos du général de Gaulle en visite à Lomé. On peut également y voir le traité instituant le protectorat allemand sur le Togo en 1884. Effectivement, le Togo a d’abord été une colonie allemande, suite à ce protectorat et jusqu’à la fin de la Première Guerre Mondiale. Les Allemands ayant perdu la guerre, ils ont aussi perdu une bonne partie de leurs colonies, et le Togo a alors été rattaché à l’empire colonial français. Le Togo français avait d’ailleurs été amputé d’une partie de son territoire, rattaché au Ghana, sous domination britannique. Mais 30 ans de domination allemande ont tout de même laissé une empreinte sur le pays, ce qui le singularise par exemple du Bénin voisin. On trouve d’ailleurs un Institut Goethe à Lomé (et par exemple, Emmanuel avait choisi d’étudier l’allemand à l’université, malheureusement un manque de moyens financiers l’a empêché de poursuivre). Il n’y avait personne quand on est arrivées, mais la dame s’est empressée de nous allumer les ventilateurs. Un autre groupe de touristes arrive au moment où nous partons. La dame nous remercie chaleureusement de notre visite.
Devant le musée, nous retrouvons donc Emmanuel qui m’a attendue tout le temps de ma visite, on discute un peu avec lui, Anna décide de rentrer en taxi-partagé, je rentre avec Emmanuel qui en route m’explique les noms des différents quartiers de Lomé et leur origine. Il me redépose devant chez moi, je raconte à Loulou ma visite du village artisanal et du musée. Pour ce midi, elle m’a préparé un des plats que je préfère, du riz avec une sorte d’omelette aux légumes et au piment, je me régale. La panse bien remplie, je décide d’aller faire une petite sieste. Sieste qui finalement dure trois heures, ma moustiquaire en guise de couverture. Je ne vais probablement rien faire d’autre aujourd’hui vu que la nuit commence déjà à tomber. Demain c’est dimanche, Loulou m’a proposé d’aller à l’église. Les voisins ont chanté un chant (religieux je pense puisque je comprenais « Hosannah ») pendant une demi-heure, toute la famille s’y est mise.

Dimanche 14 août 2016

Hier soir, je suis allée discuter avec Loulou pendant qu’elle cuisinait. Je me suis ensuite régalée d’une assiette de spaghetti au piment et de frites de bananes plantain (mon péché mignon ici !). Et dodo ! Ce matin, j’avais dit à Loulou que je l’accompagnerais à la messe. On part à 8h, direction le collège protestant, dans l’enceinte duquel la messe est célébrée. Loulou m’a expliqué qu’ils étaient en train de construire l’église mais que pour l’instant, la messe était célébrée dans les locaux du collège. Pour l’occasion, Loulou s’est mise sur son 31, boubou dans les tons jaune-orangé, anneaux en or aux oreilles. Je me sens passablement pouilleuse mais elle me dit que je suis très bien. Elle tient à m’acheter une bouteille d’eau, de peur sans doute que je me dessèche totalement pendant la messe. On entre dans une petite boutique, et je n’ai pas compris pourquoi ni comment mais un monsieur que l’on ne connaissait ni d’Eve ni d’Adam a payé ma bouteille d’eau. On prend ensuite un taxi partagé qui nous dépose devant le collège. On entre dans la grande salle qui sert à rassembler tous les étudiants le lundi matin pour « placer la semaine dans les mains de Dieu » selon les termes de Loulou. Soit. Une croix pailletée en mode disco des années 80 a été accrochée. Au pied de « l’autel », un incroyable amas de nourriture et marchandises en tous genres. Je mets un moment à comprendre que oui, il y a bel et bien un coq vivant dans un panier au pied de l’autel et de toute évidence, il s’impatiente. Loulou m’explique qu’après la messe, il y a une vente aux enchères pour récolter de l’argent pour l’église. La salle se remplit petit à petit, Loulou connaît visiblement beaucoup de monde, tout le monde me salue comme si j’étais de la famille. Je me retrouve coincée entre Loulou et une dame au tour de taille tout à fait honorable. Après une bonne trentaine de poignées de mains, ça commence. Une chorale fait son entrée, des femmes habillées comme les étudiants américains lors de leur remise de diplôme, chapeau à l’appui, des hommes, etc. Ils chantent une chanson plutôt entraînante, dans laquelle je reconnais « merci » en éwé. Je serais prête à parier que le refrain était un truc du style « merci Seigneur, merci, merci ». Une deuxième chorale fait son entrée, composée exclusivement de femmes vêtues de blanc et de vert, comme la semaine dernière à Kpalimé. La messe est entièrement en éwé, donc inutile de vous dire que je ne comprends pas grand-chose à part « Amen ». J’ai oublié de préciser que Loulou n’est pas la seule à avoir sorti ses vêtements de fête, l’assemblée est un vaste parterre multicolore, boubous des grands jours, rehaussés de paillettes, broderies, etc., les bijoux sont de sortie, ainsi que les chapeaux, turbans et autres coiffes. Le pasteur fait son sermon, Loulou m’en traduit la majeure partie à l’oreille mais j’ai beaucoup de mal à l’entendre car la sono n’est pas des plus mauvaises. Ensuite, la fanfare reprend du service et c’est le moment de la quête. Il était visiblement inconcevable que je ne donne rien, je me suis donc fendue de 250 francs. Il faut savoir que la quête est plutôt marrante ici. Ce n’est pas une petite corbeille que l’on fait passer dans les rangs, non non, tout le monde se lève et va déposer sa petite obole dans la boîte. On commence par les membres des chorales, puis vient le tour des mamans avec enfants, puis tout le monde se lève rang par rang. Dans toute l’assemblée, nous sommes 3 « Yovos » et une albinos. C’est donc tout le parterre qui se lève et se dirige vers la boîte en se trémoussant au rythme de la musique. Tout le monde se rassoit, petite chanson, et la messe est finie. Une partie de l’assemblée quitte les lieux. C’est le tour de la vente aux enchères au profit de l’église. La musique reprend, et de partout on amène de la nourriture et des marchandises en tous genres. Des tomates, des ignames, des ananas, des bananes, des boîtes de je-ne-sais-quoi, des pagnes, des beignets, des poules, des chèvres (vivantes), etc., etc. Environ 15 personnes s’affairent derrière le « commissaire-priseur » pour arranger des lots d’articles dans de grands paniers. La vente aux enchères commence par une bouteille d’eau. Et c’est là que l’affaire a pris un tour que je n’ai que moyennement apprécié. Quelqu’un a acheté cette bouteille d’eau 10 000 francs CFA, c’est-à-dire environ 15 euros. Je passe ici mes journées à constater la misère, la pauvreté, le manque criant de moyens financiers. On m’explique que des familles n’ont pas 6 000 francs pour obtenir un jugement supplétif, et donc une personnalité juridique, et donc un avenir à leurs enfants. Et à côté de ça, certains sont prêts à filer 10 000 francs à l’église en échange d’une bouteille d’eau ? Je sais l’importance de la religion pour les Togolais, mais là, c’est quand même difficile pour moi de constater ça. Je reste un moment dubitative, voire même légèrement agacée. Bien sûr, il y a des inégalités de richesse partout, bien sûr chacun fait ce qu’il veut de son argent, bien sûr la construction d’une église est une cause tout à fait honorable. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de penser que cet argent pourrait être utilisé à des fins bien plus concrètement utiles. Au bout de trois heures et demi de messe/fanfare/vente aux enchères, j’avoue que je commence à trouver le temps long, surtout que tout est en éwé, donc à part les prix qui sont dits en français, je ne comprends rien. Heureusement, on lève le camp. On rentre à la maison, j’organise mon après-midi, le programme est normalement d’aller voir le port de pêche et ensuite de retourner à la messe, catholique cette fois, et non, je ne me suis pas transformée en grenouille de bénitier. C’est juste que Anna joue de la flûte traversière dans la chorale de cette église ce soir et j’ai envie d’aller l’écouter jouer.

(…) Cet après-midi, Emmanuel est donc venu me chercher pour m’emmener au port de pêche. Il devait initialement donner un cours de moto à un autre volontaire, mais quand il a su que Anna ne serait pas avec moi, l’idée de me laisser seule au port de pêche n’a pas semblé l’enthousiasmer plus que ça, et donc il a annulé pour rester avec moi. Si je n’en voyais pas initialement la nécessité, j’avoue qu’en arrivant là-bas j’étais bien contente d’être accompagnée. C’était loin, plutôt paumé, coincé entre la cimenterie et les containers prêts à être chargés, et on n’avait pas dû y voir un Yovo depuis l’époque de la construction des pirogues, c’est-à-dire facile un demi-siècle. Alors une Yovo, et de surcroît toute seule, je pense que c’était juste inenvisageable. On fait donc un bon moment de moto, passant par des quartiers de Lomé dans lesquels je ne m’étais pas encore aventurée. Emmanuel ne désespère pas de m’apprendre les noms des quartiers et je crois qu’il a encore l’espoir qu’un jour je me repère, mais quand on est passés devant la statue devant laquelle on était passés à l’aller et que j’étais toujours aussi paumée, je crois qu’il a compris que j’étais un cas désespéré. On arrive au port de pêche, le garde à l’entrée a l’air de se demander ce que une Yovo peut bien venir fabriquer ici. Quand Emmanuel lui explique que je veux venir visiter le port de pêche, je vois à sa tête qu’il se dit que je suis complètement frappée. Il nous pose 40 questions, est-ce que l’on a un badge (évidemment non), est-ce que Emmanuel est zemidjen (chauffeur de taxi-moto, en l’occurrence, la réponse me semblait assez évidente), est-ce que j’étais sa femme (là, on a commencé à le perdre), est-ce que je voulais épouser un Togolais (là, on l’avait perdu). Bref, comme cela était précisé dans le Routard, il faut donner un petit quelque chose pour passer, j’entends parler de 1 000 francs, ce qui me semble un peu exagéré, en ressortant Emmanuel me dit que 500 francs suffiront amplement et effectivement, le garde est trop occupé à me faire de grands sourires pour regarder le billet que je lui donne. On pénètre donc dans le port de pêche, on gare la moto, et on s’aventure sur les pontons. Les pirogues sont là, ancestrales, aux couleurs passées mais au charme intact, des gamins dorment sur des filets, d’autres nous regardent avec de grands yeux, des moteurs sont entreposés pour les plus petites embarcations. Une forêt de drapeaux aux couleurs de pays totalement improbables (je ne suis pas sûre que la Croatie soit parfaitement au courant qu’une pirogue d’un autre âge arbore son fameux drapeau à damiers, tout comme je doute que l’Italie laisse naviguer ce genre d’épaves flottantes en toute connaissance de cause). Je ne suis pas sûre que ces bateaux battent réellement pavillon du pays du drapeau hissé, je crois qu’ils ont surtout accroché le drapeau qu’ils ont trouvé, et très honnêtement je l’espère, car ce serait purement et simplement criminel de la part desdits Etats d’accorder leur pavillon à des bateaux dans un tel état. Je précise que je n’ai pas vu de drapeau français. Il n’y a malheureusement pas de poisson aujourd’hui, la grande halle des grossistes est vide. Je prends quelques photos, et Emmanuel me propose de m’emmener voir la plage (« Pure Plage »), à deux minutes d’ici. En route, on arrive, ça ressemble à une plage privée mais en fait elle est gratuite. Il y a juste des transats qui appartiennent à un restaurant et qu’on peut probablement louer si on le désire. La plage est magnifique et contre toute attente, extrêmement propre, autant, si ce n’est plus, que nos plages françaises. On voit que c’est l’océan, puisque les vagues ne sont pas sans me rappeler le sud-ouest de la France… mais fort heureusement quelqu’un a eu la bonne idée de construire une sorte de digue pour briser les vagues, et donc au bord de la plage, elles sont tout à fait raisonnables. Il me tarde de revenir avec mon maillot. On repart ensuite direction le quartier de Totsi, pas loin de chez moi, pour assister au spectacle de la chorale dans laquelle Anna doit jouer de la flûte traversière. Mais il semble que l’on arrive trop tard et que la chorale d’Anna soit déjà passée. Bien que protestant, Emmanuel a été assez gentil pour m’accompagner dans l’église (catholique) et pour ensuite me redéposer chez moi puisque je ne suis pas sûre que j’aurais pu retrouver ma rue dans la nuit, hahaha. En rentrant, Loulou m’accueille avec le sourire et m’annonce que lors de la vente de ce matin, l’église a récolté plus de 9 millions de francs CFA. Espérons qu’ils en fassent bon usage… Je dîne d’une salade d’avocats, tomates, oignons et morceaux de saucisse, et Loulou, de fort bonne humeur, me propose une petite tasse de thé pour clore le repas. Je suis bien claquée par ma journée, le vent de la plage et le trajet en moto m’ont vannée, demain matin je vais tenter une petite grasse mat’, même si je sens d’ores et déjà que les coqs du quartier ne vont pas être de cet avis. Eyitsor !

NB : Juste pour info, et pour que vous compreniez mieux mon incrédulité de ce matin, sachez qu’au Togo, le SMIC tourne aux alentours des 28 000 F. CFA par mois (soit environ 42 euros…) et que le revenu national brut par habitant atteint péniblement les 820 dollars… Je vous laisse juge.

PS : Petits anecdotes supplémentaires sur la circulation à Lomé. Pour la première fois, en montant dans le taxi partagé ce matin, comme je suis montée seule devant, le chauffeur m’a demandé de mettre ma ceinture. Je ne m’y attendais tellement pas que j’ai mis environ 20 secondes à comprendre de quoi il parlait. J’ai aussi vu des policiers arrêter des motos parce que les conducteurs n’avaient pas de casques. Par contre, pour les passagers, on s’en tamponne. Et j’ai aussi vu un mouton vivant sur une moto. Non, je déconne pas.

Lundi 15 août 2016

Ce matin, après l’échec cuisant de ma grasse matinée, je me suis levée, lavée, j’ai pris mon petit déjeuner et enfilé mon maillot de bain car cet après-midi je vais à la plage avec Anna. Aujourd’hui, c’est l’Assomption aussi au Togo, et c’est également un jour férié. C’est l’occasion pour moi de vous faire un petit topo sur la religion ou plutôt les religions au Togo, les croyances, etc. Du moins ce que j’ai pu en apprendre en discutant avec les Togolais, et aussi ce qu’en dit le Routard. Il semble que la moitié de la population soit composée d’animistes. L’animisme, pour faire simple, c’est une croyance en une âme, une force vitale qui animerait les êtres vivants, mais aussi les éléments naturels (pierres, vents), et on croit aussi aux génies protecteurs. On compte aussi près de 30% de chrétiens, dont un tiers se situe dans la région de Lomé (majoritairement catholiques, mais il y a aussi des protestants). Et il est évident que les sectes évangélistes ont le vent en poupe (Eglise des Assemblées de Dieu du Togo, Témoins de Jéhovah, etc.). Les musulmans sont environ 20% et sont plutôt dans le nord du pays, même si on en voit aussi à Lomé.

Même s’il y a donc de nombreux chrétiens, on ne peut pas totalement exclure la place des croyances traditionnelles, du vaudou, des féticheurs, etc. Je discutais hier avec Emmanuel de tout ça, essayant de voir s’il y croyait ou pas (il m’a dit qu’il fréquentait l’église protestante). Je lui raconte les histoires gabonaises d’Hugo et il a l’air de trouver ça parfaitement normal. Je lui demande s’il croit aux envoûtements, etc. Il ne dit pas vraiment non, me disant « Si des gens disent que ça existe… ». Et il m’explique que si tu as une dispute ou un problème avec quelqu’un, alors la personne peut t’envoûter et il faudra que tu ailles voir un féticheur pour qu’il fasse sortir l’envoûtement de toi. Je suis restée, vous vous en doutez, quelque peu perplexe. Mais je pense que malgré l’importance indéniable du christianisme (toutes églises confondues), même les jeunes générations ne peuvent pas se détacher totalement des croyances ancestrales et beaucoup de Togolais restent superstitieux. Pour en revenir au christianisme, on voit ENORMEMENT d’affiches, de publicités, d’inscriptions faisant référence à Dieu et à Jésus. Par exemple, on voit partout des voitures ou des motos portant des inscriptions du style « Jésus est la solution », « Dieu seul suffit », « God’s power », etc. Même chose sur les bateaux hier au port. On voit aussi beaucoup de publicité pour les sectes évangéliques, etc. et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils utilisent des mots percutants. Il y en a une qu’on voit partout dans Lomé qui dit « No Jesus, no life, Sans Jésus tu n’es qu’un cadavre ambulant ». Il semblerait qu’Aleysha ne s’en soit toujours pas remise car elle étouffe un ricanement à chaque fois qu’on croise ladite publicité (et on la croise relativement souvent). Il y aussi beaucoup de noms de magasins qui font référence à la religion, chrétienne ou musulmane (j’ai vu un magasin hier qui s’appelait Incha Allah, oui, oui avec un A supplémentaire).
Une des questions que les Togolais risquent de vous poser rapidement est « Quelle église tu fréquentes ? ». Martin, notre collègue nous l’a déjà posée, et la réponse « Je ne crois pas en Dieu » semble leur paraître très bizarre. Du coup, maintenant j’explique que ma maman est catholique, mais que moi je ne crois pas vraiment en Dieu, mais qu’en France c’est comme ça, que l’on peut ne pas croire ou croire en ce que l’on veut.

Pour ce qui est des questions concernant la famille, etc., je peux dire qu’ici j’ai la chance d’avoir une famille qui exerce des métiers manuels, ce sont des métiers qui existent aussi ici et qui parlent à tout le monde. Quand je dis que mes frères sont mécanicien et cordonnier (je simplifie un peu mais globalement, c’est ça), ça parle à tout le monde. Si je devais commencer à expliquer ce que c’est qu’un chef de projet ou un métier du même style, ce serait sans doute beaucoup plus difficile. Un autre truc, être enfant unique ne semble pas exister ici, tout le monde a des frères et sœurs, et dans le cas des familles polygames, encore plus de frères et sœurs.

Ah, il faut aussi que je vous explique le système des prénoms. La majorité des Togolais ont deux prénoms, un prénom togolais (qui dépend du jour de leur naissance) et un prénom français pour ceux qui sont chrétiens, arabe pour ceux qui sont musulmans. Par exemple, Lucia (la dame d’AFEL) s’appelle Essi en prénom togolais (elle est née un dimanche) et Lucia en prénom de baptême. Emmanuel s’appelle Kodjo en prénom togolais (il est né un lundi) et Emmanuel en prénom de baptême. J’ai demandé à Delphine comment s’appellent les filles nées un mercredi, je m’appellerais donc Akou si j’étais née ici. Prudence s’appelle aussi Yaou (il est né un jeudi). Certains utilisent plus volontiers leur prénom togolais, d’autres, surtout quand ils se présentent à des étrangers, utilisent plus leur prénom de baptême. Ah oui, et ici « Fanta » est un prénom féminin, et pas seulement une boisson à l’orange…

Je change totalement de sujet, j’en suis désolée, mais Diana m’a expliqué qu’elle avait apporté un peu de matériel d’Espagne, dont une bande autocollante que l’on peut mettre lorsque l’on a reçu un choc. Elle m’a dit qu’elle avait montré à ses collègues ici comment l’utiliser et qu’ils étaient tout contents avec lesdites bandes. Je me réjouis que Diana ait pu apporter ce petit progrès et qu’elle ait réussi à expliquer les bienfaits de ce procédé.

(…) Nous sommes déjà mardi matin, hier j’étais trop fatiguée pour vous raconter ma journée, et elle fut riche en émotions. Le matin, rien de particulier, j’ai lavé mes sous-vêtements à la main, mes chaussettes n’ont toujours pas retrouvé leur couleur d’origine et même après trois machines, je ne suis pas sûre qu’elles la retrouvent un jour, mais qu’importe. J’ai déjeuné et Emmanuel est venu me chercher pour m’emmener à la plage retrouver Anna. Le pauvre Emmanuel m’avait prévenue qu’il aurait du retard car Marcos (le volontaire à qui il donne les leçons de moto avait mis plus de temps que prévu). Finalement, nous partons et retrouvons Anna. On se balade un peu sur la « Pure plage », malheureusement dès que l’on s’éloigne de la plage qui appartient au restaurant/bar, la plage est beaucoup plus sale, des détritus un peu partout, etc. Et surtout, juste à côté de la Pure plage où des Blancs paient leur repas plus de 15 000 F. CFA, on trouve un véritable bidonville, aux murs et aux toits de tôle. Ca fait mal au cœur. En continuant un peu sur la Pure plage, on finit par tomber sur Sam et Annaëlle, en balade eux aussi, en compagnie de Junior, le fils de leur famille. Avec Anna, on tente un petit bain, mais il y a énormément de vent aujourd’hui, les vagues sont énormes (même si brisées par la digue), et surtout il ne fait pas super chaud. Les pieds dans l’eau suffiront. On repart de la plage, il commence à pleuvoir. Au début, un petit crachin digne d’une météo bretonne, mais la pluie s’intensifie. Evidemment, sur la moto, c’est moyennement agréable. On s’arrête quelque part, et on se réfugie sous un petit auvent. Emmanuel en profite pour me faire goûter le souchet. Alors oui, oui, souchet est le mot français, c’est juste un truc que je n’ai jamais vu en France, c’est comme un petit fruit séché. Ca se mâche, le goût n’est pas mauvais, sucré. Par contre, après c’est un peu étrange. Je mâche, je mâche, je mâche, mais je n’arrive pas à déglutir ce truc, c’est sec, plein de fibres. Je regarde Emmanuel avec une grimace qui me dit « Ah mais il faut cracher le reste ! ». Haha ça faisait trois bonnes minutes que j’essayais d’avaler ce truc. Donc en fait, une fois que tu l’as bien mâchouillé et que tu en as extrait le truc sucré, tu peux cracher le reste. En bonne Française qui se respecte, je déteste cracher devant quelqu’un, surtout dans la rue, par terre. Mais c’est ça où m’étrangler avec le reste du souchet. Je crache donc mes bouts de souchet mâchouillé. La pluie finit par se dissiper, on reprend la route. On n’a pas fait 500 mètres qu’on est témoins d’un sérieux accident. Deux motos se percutent, les conducteurs tombent et une troisième vient percuter le tas de ferraille et les deux hommes à terre. Il y a des morceaux de motos qui ont volé un peu partout. L’un d’entre eux se relève, le deuxième reste sur la chaussée, sans casque et il ne bouge pas… Emmanuel s’est arrêté un peu plus loin, discute avec les badauds autour, je suis littéralement horrifiée surtout quand je vois les gens s’amasser et commencer à essayer de déplacer le blessé. Malheur, il ne faut jamais faire ça… Je demande à Emmanuel s’il y a quelqu’un à appeler, quelque chose à faire, mais il essaie de me rassurer en me disant que la police et les secours vont venir (ce dont je doute quelque peu mais admettons). Je dois être littéralement livide, encore plus « Yovo » que d’habitude. On finit par repartir, je suis encore plus flippée qu’à l’ordinaire. J’ai appris par Anna qu’Emmanuel avait perdu un de ses meilleurs amis il y a quelques semaines, victime d’un accident de moto aussi. Non seulement la circulation ici est démente, chaotique, les gens roulent sans casque, bras et jambes nus. Ils roulent relativement vite (même si la chaussée est hérissée de dos d’ânes pour tenter de faire ralentir les gens). Et comme si ça ne suffisait pas, lorsqu’il y a un accident, les secours sont lents à venir, la médecine n’est évidemment pas optimale et il faut payer ses soins. Une combinaison épouvantable…
Une fois de plus, je suis vraiment navrée que ce journal prenne des accents dramatiques, mais comme vous l’avez compris, je n’écris pas seulement pour faire rire ou sourire, mais aussi pour rendre compte de ce que je vis, de mon expérience dans un pays, qu’elle soit positive ou négative. Je ne prétends ni à la parole d’évangile, ni à l’exhaustivité, je rapporte simplement ma propre expérience, mes anecdotes et ce dont je suis témoin.

Je suis donc rentrée hier soir un chouïa secouée, j’avais froid parce qu’il avait plu et que la température avait chuté. J’ai mangé et je suis allée me coucher sans demander mon reste.

Je me suis réveillée un peu difficilement ce matin, la nuit avait été assez désagréable, j’ai eu froid, je me suis réveillée plusieurs fois. Je me lève un peu dans le coaltar, je vais me laver, l’eau me paraît encore plus froide que d’habitude. Petit déjeuner et nous mettons le cap sur le Centre médico-social de Djidjolé (notre quartier), nous attendons Martin et Salomé, rencontrons la directrice qui me semble énergique. Lorsque beaucoup de femmes sont arrivées, leur enfant sur les genoux pour les faire vacciner, nous commençons la sensibilisation. J’ai encore du mal à émerger mais je ne dois pas me reposer sur mes lauriers, tout le monde m’attend, me regarde et va m’écouter, donc je me secoue un peu et commence mon speech. Je prends la parole devant tout le monde, et la directrice de l’hôpital traduit en éwé. Plusieurs femmes posent des questions, ce qui prouve une fois de plus que la démarche de la déclaration à l’état-civil n’est pas automatique, n’est pas acquise pour tout le monde, et que notre campagne de sensibilisation n’est pas inutile. Après avoir tenté de répondre le plus précisément possible aux questions de toutes les femmes, nous remercions la directrice pour son accueil et son aide, et nous retournons au bureau. Ma petite Elisabeth ne tarde pas à faire son apparition, un biscuit à la main et passera un bon moment sur mes genoux à jouer avec mon téléphone. Pour la première fois, j’entends le son de sa voix car Madame Brigitte lui parle en éwé, et la petite lui répond. Je pense qu’elle comprend un peu le français mais elle ne le parle pas, donc je ne l’avais jamais entendu parler. En partant, madame Brigitte suggère que Salomé et moi (Aleysha est partie en ville renouveler son visa) allions rendre visite aux habitants d’une maison juste à côté du bureau et donner ce qu’il nous reste de biscuits aux enfants. On s’exécute. A peine ai-je franchi la porte de la « maison » qu’une des enfants se met à hurler, à pleurer et à tenter de s’enfuir comme si j’étais le diable en personne. Sa maman, de toute évidence gênée et confuse, tentait de la forcer à venir près de moi, ce qui ne faisait que redoubler ses cris. Horriblement mal à l’aise, je ne savais pas quoi faire, ne voulant pas traumatiser davantage cette gamine. Je ne sais pas si elle n’avait jamais vu de Blanc, si elle m’a prise pour un alien débarqué d’une autre planète, ou si elle avait juste peur des Blancs pour une raison X ou Y. En tout cas, c’est bien la première fois qu’une telle chose se passe. D’habitude, les enfants sont au contraire très attirés par nous, ils nous font des signes, chantent la chanson du Yovo, nous font des câlins dès qu’ils en ont l’occasion. Ca m’a fait un peu de peine évidemment, mais je ne savais pas quoi faire d’autre que de donner un biscuit à cette petite (qui l’a tout de même pris haha), et juste ne pas insister davantage. Nous sommes donc rentrées au bureau où j’ai passé le restant de la mâtinée à discuter de tout et de rien avec Martin et Salomé. Salomé a eu beau rire quand je lui ai demandé si elle croyait aux esprits et aux envoûtements, elle m’a tout de même répondu « Oui, en Afrique il y a des esprits ». S’ils continuent tous comme ça, ils vont finir par me mettre le doute.
Je suis ensuite rentrée retrouver Aleysha qui avait finalement obtenu le prolongement de son visa. Sur le chemin entre le bureau et la maison (trois minutes à pied en marchant au rythme togolais), j’ai été saluée par les sourires des enfants, des signes de la main au son, non plus seulement du traditionnel « Yovo » mais de « Tata Laurianne » puisque plusieurs de ces enfants étaient du groupe avec lequel nous travaillons le vendredi.
Je suis rentrée déjeuner, et nous sommes reparties vers 14h pour rejoindre le bureau de Projects Abroad pour l’activité du mardi après-midi. Au programme d’aujourd’hui, séance de peinture dans un orphelinat. Quand je dis peinture, c’est peinture de mur au rouleau, rien d’artistique là-dedans (et encore moins artistique que prévu vu le résultat…). Nous arrivons donc à l’orphelinat, on nous prépare la peinture, distribue les rouleaux. Anna, Annaëlle, Tiffanie, Mar et moi attaquons une chambre. La chambre est peinte initialement dans un bleu assez vif, le mur est sale, craquelé de partout, et trônent au milieu de la pièce des lits en métal avec des matelas par-dessus, le tout étant extrêmement lourd et très difficile à déplacer. On essaie de bouger un peu tout ça pour se dégager de la place, on attaque un mur à l’aide de nos rouleaux. Le résultat est, soyons honnêtes, catastrophique. Il aurait fallu d’abord nettoyer le mur, le réparer, le poncer, mettre un enduit et ensuite le repeindre avec une peinture digne de ce nom. Inutile de vous dire que rien de tout ça n’est prévu, on n’a même pas une bâche pour protéger le sol ou les lits. Verdict, environ deux heures plus tard, j’ai honte de ce qu’on a fait, l’impression d’avoir purement et simplement empiré la situation. Maintenant le mur est blanchâtre, bleuâtre et paraît encore plus sale qu’il ne l’était initialement, toujours autant de fissures, mais en plus le sol est recouvert de coulures de peinture et même les lits et matelas sont tâchés. Je n’aime pas faire mal les choses, et même si nous sommes au Togo où certaines choses ne semblent pas avoir la même importance qu’en France, je considère que cela n’est pas une raison pour repartir en laissant un travail ni fait ni à faire, une chambre dans un état encore plus déplorable que lorsque nous sommes arrivés à de pauvres mômes qui sont orphelins et vivent dans des conditions déjà difficiles. Bref, je suis ressortie de là avec un sentiment d’inachevé. Nous avons pris quelques photos, fait des câlins aux gamins, joué un peu avec eux, ce qui semblait être finalement le plus beau cadeau que nous puissions leur faire, et pas venir barbouiller un mur comme des sagouins. Une chose est sûre, vous ne m’embaucheriez pas pour repeindre votre appartement. Nous sommes ensuite rentrées en taxi-voiture, direction Breakfast to Breakfast, un restaurant où certains volontaires ont leurs habitudes. J’ai réussi à choper un wifi pas trop dégueulasse, nous avons bu un verre pour dire au revoir à Isabel qui retourne cette nuit en Ecosse. Je suis ensuite rentrée en moto avec Emmanuel, que je dois voir demain pour ma première leçon de conduite moto. Oui, oui, vous aussi vous vous dites qu’il est complètement fou ?